Le gouvernement Marois a reculé. Il a abandonné l'idée d'éliminer la taxe santé et de compenser le manque à gagner par une hausse salée et rétroactive des impôts des hauts revenus, comme il s'y était engagé en campagne.

Mais même si cette mesure était terriblement impopulaire, le ministre des Finances Nicolas Marceau n'a pas été applaudi pour ce changement de cap. Fidèles à une de nos traditions politiques assez insupportables, ceux-là mêmes qui dénonçaient la promesse électorale du Parti québécois ont été tout aussi prompts à dénoncer son abandon.

Dans un cadre où les gouvernements seront de plus en plus minoritaires, il faudrait changer de rhétorique. Les partis d'opposition ne peuvent pas à la fois exiger que le gouvernement fasse des compromis pour ensuite le dénoncer s'il met de l'eau dans son vin.

Je serais par ailleurs très mal placé pour critiquer la nouvelle mouture proposée par le ministre Marceau, un compromis raisonnable qui, de surcroît, repose sur une approche que j'avais moi-même suggérée il y a quelques semaines.

Le PQ voulait éliminer la contribution santé, parce qu'elle était régressive avec ses 200$ uniformes et qu'elle pénalisait les classes moyennes. Il voulait reporter le fardeau sur les plus riches, en créant deux nouveaux paliers d'imposition, et en modifiant le traitement des dividendes et des gains de capital.

Le gouvernement Marois ne remplit pas à la lettre sa promesse, mais il en respecte en bonne partie l'esprit. La contribution santé ne sera pas abolie, mais elle deviendra progressive. La classe moyenne ne sera pas totalement soulagée, mais 900 000 personnes de plus ne paieront rien et 2,2 millions de personnes additionnelles paieront moins. Le fardeau fiscal des riches s'alourdira, pas autant que dans le projet initial, mais de façon significative, avec la contribution santé qui atteindra 1000$ et un nouveau palier d'imposition pour les 100 000$ et plus. Et la rétroactivité est abandonnée.

Je ne crois pas pour autant que ce compromis reflète la sagesse ou la qualité d'écoute du gouvernement. Il s'agit plus prosaïquement de réalisme animé par un réflexe de survie. Le gouvernement Marois aurait tout simplement été défait s'il s'était entêté.

Cette absence de souplesse, on la voit entre autres au fait que M. Marceau prend bien soin de dire qu'il fait ces compromis parce qu'il y est forcé par l'opposition et que si son gouvernement était majoritaire, il serait allé plus loin, c'est-à-dire trop loin.

On la voit aussi dans les détails de la mesure, un raboudinage qui sent encore une fois l'improvisation. La taxe santé n'augmente pas progressivement avec le revenu. Elle fait des bonds bizarres. Elle reste au même niveau de 200$ pour tous les contribuables dont les revenus sont entre 42 000 et 130 000$. Et elle augmente de façon exponentielle par la suite. Pourquoi? Manifestement pour des raisons idéologiques, pour bien montrer qu'on s'attaque aux riches. On est moins dans le registre de la politique fiscale que dans celui de la politique politicienne.

Et donc, jusqu'à la fin, la gestion de ce dossier aura été un fiasco, comme tout le processus de prise de pouvoir par le gouvernement Marois - un mélange de précipitation, d'entêtement et d'imprécision. En soi, cela peut difficilement permettre aux péquistes de marquer des points, d'autant plus que le recul décevra les électeurs de gauche que le gouvernement minoritaire voulait séduire.

Heureusement pour Mme Marois, la pression sur son gouvernement sera moins forte dans les semaines à venir grâce aux révélations de la commission Charbonneau, accablantes pour les libéraux, et providentielles pour les péquistes. Des révélations qui rappelleront aux Québécois pourquoi ils ont chassé le gouvernement Charest et qui mettront les prétendants à la succession de Jean Charest sur la défensive.