L'an dernier, les Italiens ont acheté davantage de bicyclettes que de voitures. Et non seulement se sont-ils procuré 1 750 000 vélos, mais ils en ont aussi dépoussiéré 200 000 qui dormaient dans des remises. Et on parle ici de la patrie de Ferrari et de Fiat, d'un peuple qui fut jadis le plus motorisé au monde... avant de céder le titre aux Américains!

Présents au Mondial de l'automobile, actuellement en cours à Paris, les constructeurs ont les bleus. En fait, ils seraient ravis de savoir que le phénomène est passager, qu'il n'est attribuable qu'à la crise européenne et au prix de l'essence.

Mais ce n'est pas le cas.

Tous les indicateurs montrent en effet qu'avant la crise, la possession et l'usage de l'automobile avaient déjà commencé à plafonner dans beaucoup de nations développées. Le nombre de ménages non motorisés augmente. Les automobilistes parcourent moins de kilomètres chaque année. Même les jeunes Américains, les 16-34 ans, sont de plus en plus nombreux à se passer de permis de conduire - ce qui aurait été une hérésie il n'y a pas si longtemps! Et les plus à l'aise d'entre eux, donc capables de s'offrir un véhicule, ont doublé leur utilisation des transports en commun depuis 2001.

«Le buzz, le statut et le parfum de sexualité associés à la possession d'une voiture se sont déplacés vers autre chose. Posséder une voiture (disent des jeunes), c'est être attachés... un peu comme par le mariage!» rapporte le magazine britannique The Economist, qui a amassé toutes ces données.

À Paris, les constructeurs automobiles ne voient pour l'instant qu'une solution: baisser les prix.

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Mais faut-il stimuler la vente de voitures alors qu'on en compte un milliard dans le monde et que ce nombre doit doubler d'ici 2020, surtout en raison de l'explosion des ventes dans les pays émergents?

De toute évidence, c'est la culture elle-même qui change en Occident sous la pression de divers facteurs, dont l'internet, l'urbanisation croissante, la congestion routière. Et, bien sûr, la disponibilité toujours plus grande des transports en commun.

Justement, un des faits intéressants dégagés par The Economist est la croissance fulgurante du mode de transport motorisé le plus léger, polyvalent et bon marché (y compris pour l'État): celui de l'«autopartage». Présente en Amérique et en Europe, la formule compte des millions d'adeptes - au Québec, on connaît Communauto, qui recense 26 000 membres. Pourquoi un tel succès? Simple. Parce que l'automobile est une invention extraordinairement agréable et pratique. Et que peu de gens sont prêts à s'en passer complètement, quel que soit le nombre d'ours polaires en danger que l'on agite devant leurs yeux...

Bref, du vélo à l'Airbus A380 en passant par tous les modes intermédiaires de transport qui existent ou restent à inventer, c'est sans doute dans la diversité de l'offre privée et publique que loge l'avenir.