Pendant que le golf européen tente de reprendre ses esprits après son historique victoire à la Coupe Ryder et les festivités bien arrosées qui l'ont suivie, le golf américain panse encore ses plaies ce matin.

Vrai que les 12 membres de Team USA et leur capitaine sont tombés au champ de bataille. Mais les visages aussi médusés que meurtris des partisans quittant Medinah par milliers en début de soirée dimanche démontraient sans l'ombre du commencement d'un doute que ce revers a été reçu comme un coup de poignard en plein coeur par une nation tout entière. Une nation qui était sur le point de reprendre ce qu'elle considère comme la Coupe Ryder.

Au lieu de consacrer leurs manchettes au «Miracle à Medinah», les journaux de Chicago et des autres grandes villes américaines y allaient des mots «débandade, effondrement, cafouillage à Medinah».

Je n'ai pas vu le mot scandale écrit en grosses lettres. Mais il sautait aux yeux dans la majorité des analyses que j'ai parcourues lors d'une grande virée médiatique américaine faite sur internet.

Love III critiqué

Les vétérans Steve Stricker, blanchi en quatre matchs, dont celui qui a permis à l'Europe de conserver la précieuse coupe, et Jim Furyk, qui s'est effondré en match individuel, sont bien sûr écorchés vifs. Avec raison.

Mais les deux principales victimes sont le capitaine Davis Love III et son joueur vedette, Tiger Woods.

«Mettez tout le blâme sur mes épaules. Contestez mes décisions. Mais épargnez mes joueurs. Ils ont tout donné», a plusieurs fois répété Love III dimanche soir.

Digne dans la défaite, Davis Love III était malgré tout effondré. Complètement défait. Il faut dire que près de deux longues années de planifications méticuleuses venaient d'être balayées par un coup roulé raté ici. Par un coup roulé réussi là.

Phil Mickelson a même dû se porter à la défense de son capitaine. Après trois victoires impressionnantes en compagnie de Keegan Bradley, c'est comme spectateurs que Mickelson et son jeune coéquipier ont suivi la dernière manche des compétitions par équipe samedi après-midi.

«Ne blâmez pas Davis pour cette décision, c'est moi qui lui ai dit que Keegan et moi étions en train de vider nos réserves d'émotions sur le terrain pour assurer notre victoire. Nous n'aurions pas été les mêmes en après-midi», a plaidé Mickelson.

Va pour cette décision.

Mais Steve Stricker (0-4), Jim Furyk et Brandt Snedeker (1-2), trois sélections du capitaine qui ont planté face première en fin de semaine, n'aident pas la cause de Davis Love. Dustin Johnson, la quatrième sélection du capitaine, a récolté trois points sur quatre. Mais il a été le premier à admettre qu'il est loin d'avoir joué du grand golf. Au moins, il a gagné... lui.

Tiger: 17 défaites

On ne peut pas en dire autant de Tiger Woods. Vraiment pas!

Non seulement il a prolongé sa guigne en compétitions par équipe (0-3), mais le Tigre n'a pas été fichu de battre Francesco Molinari dimanche. La partie ne voulait plus rien dire lorsque Tiger a laissé l'Italien niveler les chances au 18e trou. Je veux bien. Mais cette partie aurait dû être terminée bien avant le 18e trou. Sauf que Tiger, avec une carte de 73, un coup au-dessus de la normale, l'a prolongée indûment. Et contrairement aux trois premières défaites, on ne peut imputer ce piètre match nul à son coéquipier Steve Stricker.

Pour la première fois de sa carrière, Woods n'a pas gagné un seul de ses matchs en Coupe Ryder. Et son maigre demi-point est loin de faire contrepoids à ses trois défaites qui le placent au sommet - ou au bas-fond - de l'histoire américaine en Coupe Ryder avec 17 revers.

Pis encore, une fois seulement, une seule, les États-Unis ont soulevé la Coupe Ryder lorsque Tiger Woods faisait partie de l'équipe.

Des résultats qui hantent visiblement le Tigre et qui le hanteront pour toujours alors que le meilleur golfeur de l'histoire perd ses moyens une fois en Coupe Ryder.

Woods a été moins mauvais que ses statistiques le laissent croire. Les huit oiselets coiffés d'un aigle de Nicoals Colsaerts vendredi après-midi ont complètement effacé les sept oiselets de Tiger, dont cinq sur les neuf derniers trous. Samedi, Woods y est allé d'une autre collection de cinq oiselets sur les neuf derniers trous.

Mais quand tu t'appelles Tiger Woods, bien jouer ne suffit pas. Il faut aussi gagner. Surtout en Coupe Ryder, où il ne gagne pas. Ou pas assez.

Woods et Love III sortent grands perdants de la 39e Coupe Ryder.

Quant aux gagnants, ils sont nombreux: de José Maria Olazabal à son maître Seve Ballesteros en passant par Ian Poulter et ses coéquipiers.

Mais le grand gagnant, c'est le golf. Le golf de la Coupe Ryder. qui a fait la preuve par 14 contre 13, que ce sport est bien plus qu'une simple histoire de frapper une balle blanche dans un petit trou.

La Coupe Ryder a prouvé à ceux qui se sont donné la peine de la regarder que le golf est rempli de tension, de suspense, de rebondissements, de gloires et de cruelles déceptions. Que ses plus grands joueurs et joueuses sont à la fois des «athlètes» capables de catapulter la balle à des distances qui dépassent l'entendement et des artistes capables de réaliser des coups avec précision, finesse, doigté. Que le golf est un sport, un vrai, avec ses qualités et ses défauts, avec ses gagnants et ses perdants, avec ses partisans et ses détracteurs. Comme tous les autres sports.