Avec les prochaines hausses d'impôt, notamment sur les revenus de dividendes, l'entrepreneuriat québécois va se faire manger tout rond par le gouvernement Marois.

J'ai demandé au fiscaliste Jean-François Thuot, de Raymond Chabot Grant Thornton, de nous présenter avec chiffres concrets à l'appui une comparaison entre ce que l'entrepreneur paie réellement en impôts à l'heure actuelle lorsqu'il se verse un dividende et ce qu'il devra verser lorsque le gouvernement du Parti québécois haussera l'impôt sur les dividendes.

Prenons le propriétaire d'une petite entreprise privée qui déclare annuellement des profits nets inférieurs à 500 000$. Sur le plan fiscal, les profits de cette société sont assujettis à un impôt combiné de 19% (11% fédéral et 8% provincial). Après cette ponction fiscale, il reste donc dans la société une somme de 81$ par tranche initiale de 100$ de profits nets. Si l'entrepreneur se verse un dividende à même ces 81$ restants, il devra payer un impôt combiné marginal de 36,4% sur ce dividende, soit un taux fédéral de 16,4% et un taux provincial de 20,0%.

Combien lui reste-t-il dans les poches à l'heure actuelle une fois tous les impôts payés? Il lui reste 51,55$ par tranche de 100$ de profits nets d'entreprise. Il aura ainsi payé 48,45$ d'impôt combiné, soit 19$ par l'entremise de la société et 29,45$ d'impôt combiné sur le dividende encaissé (13,25$ fédéral " 16,20$ provincial).

Première conclusion: le revenu de notre propriétaire de PME est donc présentement taxé à un impôt combiné marginal de 48,45%, ce qui est similaire au taux combiné marginal maximum sur le revenu d'un particulier, qui s'élève à 48,22% (24,22% fédéral " 24,0% provincial).

Voyons maintenant ce qu'il adviendra de la ponction fiscale à laquelle sera soumis notre entrepreneur une fois que le gouvernement Marois aura augmenté l'impôt provincial sur les revenus de dividende, et ce, en coupant de moitié le crédit accordé à cette fin.

La société de notre propriétaire de PME reste donc taxée à 19% (11% fédéral, 8% provincial) sur ses profits nets. Pour sa part, le fédéral continuera de taxer le dividende à hauteur de 16,4%. Mais Québec, lui, le taxera à 33,8%, soit 13,8 points de pourcentage de plus que présentement.

Comme calculé par l'expert Jean-François Thuot, voici de façon plus concrète l'impact financier des changements apportés par le gouvernement Marois sur les revenus nets qu'un dynamique entrepreneur québécois génère.

Combien restera-t-il dans ses poches? Ô malheur! il lui restera à peine 40,42$ par tranche de 100$ de profits nets réalisés par son entreprise. Il aura par conséquent payé une somme totale d'impôt de 59,58$ par tranche de 100$ de profits nets, soit un taux d'impôt combiné marginal de 59,58%.

Cela comprend 19$ d'impôt combiné par l'entremise de la société, plus 40,58$ d'impôt sur le revenu de dividende. Plus précisément, selon les calculs du fiscaliste Thuot, notre petit entrepreneur devra verser un impôt fédéral total de 24,25$ par tranche de 100$ de profits nets et un impôt global de 35,33$ au gouvernement Marois.

La hausse d'impôt Marois représente pour le prolifique petit entrepreneur une augmentation potentielle de 46% de sa facture fiscale du Québec.

Sociétés en Bourse

Maintenant, si on fait le même exercice d'intégration des impôts payés par les sociétés inscrites en Bourse sur leurs bénéfices nets et des impôts payés sur les dividendes versés par ces entreprises à leurs actionnaires, eh bien là, le milieu québécois des affaires a de quoi crier à l'oppression fiscale.

D'entrée de jeu, sachez que les profits nets des entreprises boursières sont taxés à hauteur de 26,9%. Quand on tient compte du taux combiné marginal imposé sur les dividendes versés aux actionnaires à partir des bénéfices restants, cela donne un taux global d'imposition de 50,88% sur la portion des profits qui sont distribués aux actionnaires, soit 26,78% fédéral et 24,10% provincial.

Avec la hausse projetée par le gouvernement Marois, le fiscaliste Jean-François Thuot a calculé que le taux global d'imposition sur les dividendes versés aux actionnaires d'entreprises boursières allait atteindre les 63,95% (26,78% fédéral " 37,05% Québec).

Je vous rappelle qu'un prêt devient «usuraire» lorsque le taux d'intérêt exigé excède un taux annuel de 60%. Dommage que la loi ne s'applique pas à l'impôt!

Conséquences

Selon le professeur de finances Jean-Marc Suret, de l'Université Laval et fellow associé au CIRANO, les hausses d'impôt provincial proposées par le gouvernement Marois auront de lourdes conséquences sur l'actionnariat et les entreprises québécoises. Le taux marginal d'impôt sur le gain en capital va grimper de 24,1% jusqu'à 35,4% et sur les dividendes, de 32,8% jusqu'à 50,7%. Sur les autres revenus, il augmentera de 48,2% jusqu'à 55,2%.

M. Suret s'attend à ce que «les investisseurs privés et les institutionnels imposables délaissent les actions» pour des titres à revenus fixe, comme les obligations négociables.

«Le financement par actions, ajoute-t-il, devient donc plus difficile, à un moment où seulement quelques émissions initiales de sociétés québécoises ont lieu chaque année [8 au total entre 2009 et 2011]. Le Québec ne représente plus que 7% des émissions canadiennes.»

Selon M. Suret, les nouvelles hausses d'impôt du gouvernement Marois vont pénaliser fortement le financement des nouvelles entreprises. Pourquoi? Parce que ce financement, dit-il, repose en grande partie sur les investisseurs individuels.

La hausse d'impôt aura également pour conséquence de désavantager les entreprises québécoises par rapport à celles des autres provinces. «Elles devront émettre [des actions] dans les autres provinces et transférer ainsi l'actionnariat ailleurs qu'au Québec, ou encore s'inscrire sur une Bourse américaine», affirme M. Suret.

Pour lui, cette hausse d'impôt sur les dividendes et les gains en capital aura un effet négatif sur le financement des entreprises émergentes, l'entrée en Bourse des sociétés québécoises et la détention d'actions québécoises.

«La hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers dits riches s'oppose à l'objectif de maintien des sièges sociaux», conclut-il.