Le premier ministre slovène, Janez Jansa, l'a fait. Idem pour celui du Lesotho, Thomas Motsoahae Thabane. Le président égyptien, Mohamed Morsi. Celui du Guatemala, Perez Molina. Et celui de la France, François Hollande. Mais le premier ministre Stephen Harper, lui, ne le fera pas...

Je fais référence à l'assemblée générale de l'ONU, où le Canada s'exprimera lundi matin par la voix de son ministre des Affaires étrangères, John Baird. Stephen Harper, lui, a décidé de ne pas s'adresser à cette tribune, même s'il devait se rendre à New York précisément cette semaine, pour une tout autre raison.

Les premiers ministres canadiens n'ont pas l'habitude de fréquenter assidûment cette grand-messe qui rassemble chaque automne des dizaines de chefs d'État à New York. Stephen Harper y est allé deux fois en sept ans et, tout compte fait, il n'a fait ni mieux ni moins bien que ses prédécesseurs.

Sauf que, cette année, M. Harper peut difficilement prétexter qu'un horaire trop chargé l'empêche de se rendre à New York. Et puis, son absence survient dans un contexte particulier. Il y a deux ans, le Canada a perdu un vote crucial alors qu'il briguait le poste de membre temporaire du Conseil de sécurité. Sa candidature a été rejetée. Cette défaite un peu honteuse pour un pays de cette envergure aurait pu inciter Ottawa à se démener pour rehausser son image parmi les nations. Le gouvernement semble plutôt avoir opté pour l'attitude «d'abord, je ne joue plus».

C'est en tout cas l'interprétation de l'ancien représentant canadien à l'ONU Paul Heinbecker, selon qui «l'intérêt du gouvernement pour les Nations unies a diminué après ce vote». Il ne sera sûrement pas le seul à penser que le Canada n'a pas digéré sa rebuffade d'il y a deux ans. Et qu'il a choisi de bouder.

Stephen Harper s'est défendu devant les critiques en assurant que le ministre John Baird fera «une bonne job» à New York. Mais selon Paul Heinbecker, le discours d'un premier ministre y a infiniment plus de poids. Et puis, l'an dernier, John Baird s'est illustré à l'ONU par une allocution qui n'a impressionné personne. Il y a énoncé quelques grands principes, vilipendé les Palestiniens, qui cherchaient alors à faire reconnaître leur État par la communauté internationale, et annoncé comme une mesure révolutionnaire la création prochaine d'un Bureau de la liberté religieuse - lequel est toujours dans les limbes au moment d'écrire ces lignes.

Or, cette année, le menu de la mégarencontre internationale est particulièrement costaud. Il y a la menace nucléaire iranienne. Il y a la catastrophe syrienne, dont on ne voit toujours pas le bout. Tandis que les islamistes qui ont pris le pouvoir dans le du nord du Mali ont créé une autre crise qui menace de déborder chez les voisins.

La question du Mali concerne particulièrement le Canada, qui a longtemps soutenu la démocratie malienne et qui y a investi des millions en coopération internationale. Aujourd'hui, le nord du Mali est le théâtre d'horreurs inimaginables. Amnistie internationale et Human Rights Watch ont recueilli le témoignage de personnes qui ont fui les villes du Nord. Leurs rapports, publiés cette semaine, donnent froid dans le dos. On y parle d'amputations, de lapidations, d'une application impitoyable de la version la plus extrême de la charia. Des gens se font tabasser s'ils n'ont pas adopté des versets coraniques comme sonnerie pour leur portable, par exemple!

Le Sahel échappait déjà en partie au contrôle des États. Dans les dernières années, il est devenu une plaque tournante pour le commerce des narcotiques. Il est en voie de se transformer en nouvel Afghanistan, un terrain potentiel d'entraînement pour futurs terroristes.

Le Mali réclame de l'aide pour reprendre le nord du pays. Nous avons tous intérêt à ce qu'il y parvienne. Un projet d'intervention militaire ouest-africaine, avec l'appui technique d'autres pays, a été soumis à l'ONU.

La France appuie ce projet. D'autres hésitent. Ils craignent les conséquences d'une telle intervention.

Et le Canada, lui? Qu'en pense-t-il? J'ai posé la question au ministère des Affaires étrangères. La réponse m'est parvenue par courriel, sous forme de ce qu'on appelle, à Ottawa, des «lignes» approuvées en haut lieu.

Voici donc ces lignes: «Le Canada explore toujours, aux côtés des partenaires internationaux, les options envisageables afin d'appuyer les efforts de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest, en collaboration avec l'Union africaine, à trouver des solutions durables et sans violence à la crise au Mali.»

C'est ce qui s'appelle contribuer énergiquement à la solution des problèmes de la planète.

Quand on ajoute ça au projet d'ambassades communes avec la Grande-Bretagne, dont je vous ai parlé plus tôt cette semaine, on peut se demander si le Canada n'est pas en voie de se transformer en nain international.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Stephen Harper (à gauche) a plutôt délégué son ministre des Affaires étrangères, John Baird, pour faire entrendre la voix du Canada, lundi matin à l'ONU.