Le nouveau ministre des Finances, Nicolas Marceau, a finalement dû s'expliquer publiquement sur l'imbroglio des impôts rétroactifs dans lequel s'est empêtré son gouvernement.

C'est pire qu'on pensait. Car cette idée de relever les seuils d'imposition des mieux nantis et de resserrer le traitement des dividendes et des gains de capital de façon rétroactive n'est pas une improvisation de dernière minute. Les stratèges du Parti québécois savaient depuis le début qu'ils recourraient à la rétroactivité. Et ils ne l'ont pas dit.

Le ministre est également pire qu'on pensait. Il n'est pas sorti grandi de cette aventure. On ne parle pas seulement de maladresses médiatiques que l'on pourrait excuser chez un néophyte. Mais il a participé à une décision qui permet de douter qu'il a les connaissances et le jugement nécessaires pour détenir le portefeuille des finances. S'il était un joueur de baseball, on dirait qu'il a déjà deux prises contre lui.

La première, c'est pour l'absence de transparence. Des multiples entrevues qu'il a données, on peut déduire que le recours à la rétroactivité était un choix conscient afin d'obtenir le milliard nécessaire pour effacer cette année la taxe santé. M. Marceau semblait étonné que personne ne l'ait réalisé. «J'ai répondu à toutes les questions», a-t-il dit. «Nous avons été très clairs». Si clairs que personne n'a compris! Il est assez évident qu'ils ont voulu passer sous silence ce volet moins reluisant de leur programme. M. Marceau, en participant à cette charade, a manqué de franchise et d'honnêteté intellectuelle.

La deuxième prise, c'est pour son amateurisme. Le changement rétroactif de mesures fiscales est une mesure extrêmement rare. Elle est carrément impensable pour des revenus comme le gain de capital. On a pu voir, aux réactions des spécialistes ces derniers jours, que c'est une hérésie fiscale, parce qu'on change les règles du jeu après coup, ce qui peut pénaliser des gens qui, en toute bonne foi, ont par exemple vendu leur commerce ou leur résidence secondaire.

Il n'est pas normal qu'un professeur d'économie, critique de l'opposition en matière de finances pendant trois ans, et maintenant ministre des Finances, puisse défendre cela. On ne sait pas s'il est l'artisan de cette mesure parfaitement idiote, ou tout simplement un complice silencieux. Dans le premier cas, c'est un incompétent. Dans le second, un faible. Rappelons que ce genre de dérapage ne serait jamais arrivé avec les gouvernements péquistes précédents.

Ces mesures fiscales auront certainement des conséquences, même si le gouvernement recule sur la rétroactivité. Certains impacts, le départ de citoyens à haut revenu, la difficulté d'attirer des gens au Québec, les effets négatifs sur l'incitation au travail, sont difficiles à mesurer. Mais il y en a un autre, dont on peut déjà voir les effets.

Et c'est la coupure entre le gouvernement de Mme Marois et ceux qui investissent et créent des emplois. Ils étaient un peu inquiets de la victoire d'un parti qui s'était mis à pencher à gauche. Maintenant, ils sont désarçonnés. Ils déduisent à juste titre de cette histoire de rétroactivité que ce gouvernement est hostile à leur égard, y compris le ministre responsable du développement économique. Car dans ce dossier, Nicolas Marceau a manifesté de l'ignorance et de l'indifférence à l'égard du monde économique. Et un manque de respect envers les contribuables à hauts revenus, qui sont eux aussi des citoyens.

Nicolas Marceau dit maintenant que la rétroactivité est négociable. Parce qu'il y est forcé par les partis d'opposition. Mais l'autre côté de la médaille, c'est que si le gouvernement dont il est membre avait été majoritaire, il aurait foncé, et aurait imposé sans hésiter la mesure fiscale la plus bête des 25 dernières années. Les Québécois, le 4 septembre, on fait preuve d'une salutaire prudence.