Même si la croissance a ralenti au cours des derniers mois dans les grandes économies d'Asie, le déplacement de la puissance économique vers l'est est inexorable. Il est aussi d'une envergure insoupçonnée. C'est ce qui ressort d'une conférence tenue à Ottawa cette semaine, conférence à laquelle participaient quelque 200 dirigeants d'entreprise canadiens et spécialistes de l'Asie.

Dominic Barton, patron de la multinationale du conseil McKinsey, a montré aux participants une photo qu'il avait prise du quartier en ruines de Pudong, à Shanghai, en 1997. Puis un autre cliché, pris en 2004: en quelques années à peine, Pudong est devenu le Manhattan chinois. «Ce phénomène est en train de se produire non pas dans une, dans dix ou dans 20 villes chinoises, mais dans 200», a raconté M. Barton.

Cette croissance urbaine exponentielle ne se limite pas à la Chine, mais s'étend à tout le continent, notamment à l'Inde et l'Indonésie. Dominic Barton: «En 2030, 13 villes indiennes seront aussi peuplées que Toronto, tandis que Bombay comptera autant d'habitants que le Canada aujourd'hui».

C'est dans ces villes que s'installe une classe moyenne à laquelle s'ajoutent chaque année des millions de personnes. La consommation y explose. C'est donc là que se trouvent les marchés dont dépendra de plus en plus la croissance mondiale, entre autres celle du Canada. Les besoins en infrastructures, en énergie, en produits agricoles, en machinerie et en connaissances sont énormes.

Le Canada arrive-t-il trop tard pour profiter de ces occasions d'affaires? Non, ont répondu la plupart des participants à cette conférence organisée par le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Certes, le gouvernement Harper a tardé à réaliser le potentiel de la Chine. Il est vrai aussi que les gens d'affaires canadiens hésitent à plonger dans ces eaux lointaines et mal connues. Mais la demande pour toutes sortes de ressources et de produits est si grande que le Canada peut encore se faire une place.

Le développement fulgurant de l'Asie comporte aussi des risques pour l'Occident, notamment pour son industrie manufacturière. Dans l'avenir, la concurrence asiatique reposera sur la productivité et l'innovation plutôt que seulement sur une main-d'oeuvre bon marché. En Chine, au cours des cinq dernières années, les dépenses en recherche et développement ont augmenté de 32% en proportion du PIB. «Les Chinois investissement massivement en innovation, a relaté André Desmarais, président et co-chef de la direction de Power Corporation. Si le Canada ne fait pas de même, nous allons être frappés de plein fouet.»

Aucun doute, le XXIe siècle sera celui de l'Asie. Nous avons le choix: ou nous subissons la nouvelle donne, ou nous faisons en sorte de tirer notre épingle du jeu. De dire le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney: «Nous ne pouvons pas éviter cette évolution. Il s'agit de savoir comment nous allons réagir.»