Je connais une dame qui est coiffeuse. Vous aussi? Sauf que la mienne, le 19 mai dernier, elle est montée en haut de l'Everest. La vôtre? Elle posait des bigoudis? Ah, voyez.

C'était comment sur le toit du monde, Catherine?

Le soleil se levait sous mes pieds tandis que je touchais encore aux étoiles. Je voyais la courbure de la Terre. À part ça, il faisait -60 et il y avait du vent.

Elle s'appelle donc Catherine Dupasquier, elle est coiffeuse à Saint-Jean, copropriétaire du salon Lutèce, boulevard du Séminaire.

Au début, me raconte-t-elle, au début on devait faire le Manaslu à l'automne, comme entraînement à un sommet himalayen à 8000 m, et on aurait enchaîné avec l'Everest en mai, qui est presque à 9000 m (8848).

Le Manaslu est cet autre sommet himalayen, aussi à la frontière du Tibet et du Népal, où une avalanche a emporté une douzaine d'alpinistes en fin de semaine, dont le cardiologue Dominique Ouimet, de Saint-Jérôme. Finalement, poursuit Catherine, on nous a dit que le Manaslu était vraiment trop dangereux, à cause des avalanches, justement. Alors, on a fait directement l'Everest en mai.

L'Everest a été gravi pour la première fois en 1953 par le Néo-Zélandais Sir Edmund Hillary, à la tête d'une expédition britannique; le Manaslu, en 1956; le K2, en 1954. Depuis cette époque glorieuse, l'alpinisme s'est beaucoup «peopelisé», au grand dam des pionniers, dont Sir Hillary, qui a souvent déploré l'autoroute qui mène maintenant aux sommets himalayens: «N'importe qui avec 65 000$ US et avec l'assistance de quelques sherpas, dans de bonnes conditions météorologiques, n'importe qui peut arriver au sommet de l'Everest» (Sir Hillary en conférence à Banff, cité par le National Post, numéro du 31 octobre 2000, page 2). Lui et d'autres dénoncent aussi les poubelles à ciel ouvert que sont devenus les camps de base...

Alors, une autoroute ou pas?

Depuis 1953, environ 5000 alpinistes ont escaladé l'Everest (400 pour le K2, au Pakistan, considéré comme le plus difficile des sommets de l'Himalaya), en comptant les quelques centaines qui en sont morts, dont 43 cette année. Six pendant que Catherine était là. Six qui faisaient partie des équipes qui, en même temps que la sienne, attendaient des conditions favorables pour monter.

Dans la dernière poussée, entre le camp no 4 et le sommet, à un endroit qui s'appelle le Balcony, raconte encore Catherine, il y avait un mort sur la glace, probablement mort d'épuisement - c'est ce dont on meurt le plus souvent à 8000 m d'altitude. Il était enveloppé dans une couverture bleue. Les sherpas l'avaient abandonné là pour conduire les autres au sommet, ils le ramasseraient en redescendant.

Une autoroute si vous voulez, mais avec des morts de temps en temps, des parois de glace vertigineuses à franchir, des échelles tendues au-dessus des crevasses, une bonbonne d'oxygène de 10 kg dans le dos, des risques d'avalanche, 47 jours d'acclimatation à faire la navette entre le camp de base et les camps 2, 3 et 4, et le plus navrant: le chacun-pour-soi des différentes équipes, qui se cachent les conditions météo, ces nonos...

Avec 65 000$US, vraiment?

Disons 45 000$CAN canadiens en tout.

La disparition du Dr Ouimet vous ralentira-t-elle?

Cela ralentira sans doute ceux qui s'apprêtaient à faire le Manaslu, mais les autres, non. Les risques sont les mêmes, on les connaît. Des fois, on recule au dernier moment. Mais oui, j'envisage toujours de faire le mont McKinley en Alaska au printemps.

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PÉPÈRE LA VIRGULE - Un M. Pelletier de Boucherville vous fait dire qu'il trouve extravagante votre fixation sur l'adjectif incroyable. Il n'a pas remarqué que moi aussi j'emploie «incroyable» à toutes les sauces pour donner un peu de relief à ce qui en manque tellement. C'est incroyable ce que je m'ennuie en vous écrivant, des fois.

Mais ce qui me fatigue, moi, c'est autre chose dont je vous ai parlé maintes fois, cette lalaïsation qui s'étend comme une lèpre - çala, çalala, lalala... encore hier midi, un ministre invité chez Michel C. Auger: çala pour conséquence, çala pour effet.

Ça a pour effet, monsieur le ministre.

Ça a pour conséquence. Est-ce si compliqué?

Notez-vous, comme moi, l'incroyable recrudescence de fautes «publiques», sur des affiches, des pancartes, des enseignes même? De grosses fautes, mais surtout grandes, d'un pied de haut. Tiens, rue Racine, à Chicoutimi, une pancarte qui disait: «travaux, circuler sur l'autre trottoir». Mais je me trompe, il n'y a pas de recrudescence des fautes, il y a recrudescence d'indifférence aux fautes. C'est plus grave.

Des fois, c'est pas vraiment une faute, comme cette immense pancarte du ministère des Affaires municipales plantée devant le cimetière de Péribonka, qui annonce: «Aménagement du cimetière.» Et dessous: «On travaille pour votre qualité de vie.»

Des fois, y a pas de faute et c'est dommage! Des fois, ça tomberait tellement bien d'en faire une. Tiens, pendant la campagne électorale, ce titre sur cinq colonnes dans Le Nouvelliste (du 3 septembre): «Legault et Charest sceptiques». Y a pas de faute, c'est ce que je vous disais. N'empêche que moi, j'en aurais fait une.