Ça a l'air d'une blague, mais ce n'en est pas une. La chaîne de restauration Hooters, réputée pour les courbes généreusement étalées de ses serveuses, ultime refuge du machisme, veut aujourd'hui se constituer une clientèle... féminine. C'est ce qui vient d'être annoncé au siège social, à San Diego.

Pourquoi?

Simple: les revenus de l'entreprise déclinent depuis cinq ans et ce sont les femmes qui, de plus en plus, ont de l'argent. «Ce sont elles qui ont profité de la croissance dans l'emploi et on ne peut plus les ignorer», dit un consultant en marketing quant à l'avenir des 450 restaurants Hooters répartis surtout aux États-Unis et au Canada.

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La nouvelle fera sourire la journaliste Hanna Rosin, qui a récemment signé l'ouvrage (nous traduisons) La fin des hommes et l'ascension des femmes. Il s'agit de la version augmentée d'un reportage retentissant paru dans The Atlantic il y a un an. Sa thèse veut que les femmes contrôlent de plus en plus, non seulement l'éducation et l'emploi, mais aussi la famille et l'autorité parentale, la culture et les valeurs dominantes, même la violence et la criminalité. Cette tendance ne sera pas renversée, prévient-elle.

Dorénavant, «un homme est un homme lorsqu'il est capable de penser comme une femme», écrit Rosin, citant un ouvrier (pourtant un vrai de vrai hard hat, comme on dit aux États-Unis!) d'une plateforme pétrolière...

On comprend que l'auteure ne voit le salut des hommes que dans leur adaptation à cette ère nouvelle. Mais elle reconnaît qu'il leur faudra de l'aide.

Or, des institutions ont déjà commencé à exercer une discrimination positive en faveur des hommes. Pour ne pas les voir disparaître des collèges et universités, cela existe aux États-Unis - sous le manteau, pour ne pas faire scandale. Ailleurs, c'est plus clair: en Corée du Sud, par exemple, le gouvernement a dû établir des quotas masculins lors des examens d'entrée au prestigieux ministère des Affaires extérieures.

Certes, une abondante documentation statistique existe sur la réussite des femmes en éducation et au travail. Rosin met à jour ces chiffres, qui continuent à évoluer dans le même sens. Et elle note la rapidité de cette évolution, «les hommes ayant dominé pendant 40 000 ans alors que les femmes n'ont commencé à les devancer que depuis 40 ans», remarque-t-elle.

Cependant, c'est l'empreinte féminine sur l'imaginaire collectif dont elle s'étonne le plus. Après l'homme fort, la femme forte. Et celle-ci est à l'image de Lisbeth Salander (de la trilogie Millénium, signée par l'écrivain suédois Stieg Larsson), laquelle «représente une nouvelle sorte d'héroïne, meurtrie, mais tueuse efficace prenant sa revanche sur le patriarcat».

Ce cas d'espèce est certainement extrême! Mais le tableau global que dresse Hanna Rosin est convaincant: l'adaptation à ce nouveau monde est à l'ordre du jour.