Baisser le ton. Réduire de plusieurs décibels le niveau sonore du discours public. Renoncer à la violence et à la menace de violence. Mettre fin aux injures qui attaquent la personne, insultant parfois aussi l'Histoire (nazi!) et ses véritables victimes. Tout le monde le souhaite. Si on fait le bilan des péripéties des derniers mois, chacun voit bien qu'un temps d'arrêt est nécessaire.

Dans la vraie vie, la majorité dite silencieuse ne l'est pas, mais elle parle avec politesse et considère ceux qui font autrement comme de grossiers personnages. En général, les gens ne s'injurient pas, ne menacent pas, ne vandalisent pas, n'agressent pas.

Aussi, on perçoit au sein de la population un sentiment d'écoeurement vis-à-vis la surenchère verbale qui sévit du haut en bas de la société. De l'Assemblée nationale à la «rue». Des médias traditionnels aux médias... asociaux, a-t-on le goût de dire. Et ce sentiment est encore plus fort devant la violence.

L'écoeurement, il n'y a pas d'autres mots.

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Certes, la politique - au sens large, qui inclut la revendication et le choc des idées - n'a jamais fait dans la dentelle. Elle a toujours réservé une place à l'outrance. Mais nous n'en sommes plus à la simple démesure dans le propos. Nous avons complètement oublié que la notion de respect n'a pas été inventée pour faire plaisir à la reine d'Angleterre, mais parce qu'une société qui en est dépourvue est invivable.

Si au moins l'injure, la menace, la violence rapportaient des dividendes. Mais ce n'est pas le cas.

Par exemple, ce qu'on a récemment entendu en provenance de redoutes exaltées du Canada anglais au sujet du Parti québécois est totalement contre-productif. Tout Québécois, souverainiste ou non, a fini par se sentir visé - sans compter que, comme de juste, la Société Saint-Jean-Baptiste a sauté à pieds joints dans la boue.

Exemple, encore. La crise étudiante, qui a inauguré une ère nouvelle dans toutes les formes d'excès, n'a en réalité pas fait de gagnants. Certes, la hausse des droits de scolarité et la loi 12 seront vraisemblablement rayées du tableau. Mais l'opinion publique, elle, a fait connaître son ras-le-bol en appuyant, mardi, libéraux et caquistes (58% contre 38% pour le PQ et Québec solidaire), plutôt partisans de ce qu'il est convenu d'appeler la loi et l'ordre.

Ce qui amène un dernier point. Jean Charest, l'homme le plus vilipendé, injurié, méprisé par le discours public dominant, est passé à sept dixièmes de point de pourcentage d'une pluralité des voix exprimées lors du dernier scrutin! Est-ce un hasard si la façon dont il s'est retiré de la vie politique a été le geste le plus élégant et le plus digne auquel il nous a été donné d'assister depuis des mois?

On peut être à la fois «puissant, calme, raisonnable et surtout poli. Car, moi, la politesse surtout dans la chicane m'a toujours étonné».

C'est du Félix Leclerc.