Pendant toute la campagne et jusqu'à la porte des bureaux de scrutin, hier, le mot-clé aura été: changement. Pendant six semaines, il aura été sur toutes les lèvres, d'un côté et de l'autre du spectre politique.

Il a été employé par les partisans de Québec solidaire et du Parti québécois, souvent entraînés par l'agitation étudiante du printemps. Employé aussi par les convertis à la Coalition avenir Québec, rescapés dans beaucoup de cas de l'Action démocratique. À la fin, même Jean Charest parlait parfois de changement pour décrire la situation, improbable, où il se succéderait à lui-même.

Changer, donc. Mais pour aller dans quelle direction au juste?

Le changement proposé et même annoncé par le bruit et la fureur semblait se trouver à gauche. C'est dans cette direction que la rumeur assourdissante de la «rue» pointait, reprise par Québec solidaire. C'est vers la gauche aussi que le Parti québécois tournait de façon assez spectaculaire, associant en outre sa proposition de changement à la résurrection du cheminement référendaire et à un durcissement identitaire.

À droite, on ne fait pas de révolutions. De sorte que, chez François Legault, le changement proposé n'était ni aussi tranché, ni aussi tapageur...

Résultat des courses? Rien de plus québécois, en fait!

L'électorat a consenti au changement, oui, mais un changement en réalité modeste, mesuré, prudent, bien calé au centre. On a le goût de dire: sécuritaire. Ça remet les pieds sur terre... Après le battage médiatique des derniers mois, en effet, on avait presque oublié que la population est abonnée par obligation au principe de réalité et qu'elle déteste être bousculée.

Ainsi, confier à Pauline Marois le gouvernail d'un gouvernement minoritaire, c'est faire preuve d'une circonspection digne d'un paysan normand! Élire dans Laval-des-Rapides un ex-leader étudiant, Léo Bureau-Blouin, serait presque audacieux s'il ne s'agissait du plus modéré et prudent des membres du triumvirat au sein duquel il a vécu le désormais célèbre printemps. Donner un deuxième siège à Québec solidaire est essentiellement une manifestation d'estime à l'endroit de Françoise David, la figure la plus rassurante du parti.

Enfin, donner du muscle à une double opposition, la libérale et la caquiste, qui conjugue l'expérience et une certaine audace, est admirablement précautionneux.

En somme, il n'y a pas de bouleversements. Pour la bonne raison que personne n'en voulait.