Dans le contexte où le PQ de Pauline Marois veut les taxer davantage, est-ce que nos «riches» gagnant un revenu supérieur à 130 000$ paient leur juste part des impôts québécois?

Laissons «parler» les plus récentes statistiques fiscales du ministère des Finances, soit celles de l'année d'imposition 2009. Quelque 143 500 contribuables ont déclaré un revenu supérieur à 130 000$. Ils ont payé à eux seuls 5,5 milliards de dollars en impôt du Québec.

Alors qu'ils représentent à peine 2,3% des 6,1 millions de contribuables québécois, nos «riches» ont ainsi payé près du tiers (32,5%) de la facture nette (16,9 milliards) de l'impôt des particuliers. Cette facture tient compte des crédits d'impôt remboursables et non remboursables.

En fait, cette poignée de 143 500 «riches» contribuables ont globalement versé deux fois et demie plus d'impôt provincial que les 4,8 millions de contribuables ayant déclaré un revenu de moins de 50 000$.

Mais la plantureuse contribution fiscale des bien nantis n'attire guère la sympathie. Comme on sait, une grande partie de l'opinion populaire croit qu'ils ne paient pas assez d'impôt. Voilà pourquoi ils appuient et applaudissent la décision de Pauline Marois d'aller chercher encore plus d'impôt dans les poches de ces «riches» Québécois.

Rentabilité électorale

Que la chef péquiste fasse payer par les «riches» la facture de 1 milliard que lui coûtera sa promesse d'abolir la taxe santé annuelle de 200$ par personne... c'est électoralement rentable! Surtout quand c'est présenté sous l'angle de la famille.

«Les familles pourront compter sur le Parti québécois, qui s'engage à leur donner un solide coup de pouce afin de cesser de payer davantage, a-t-elle expliqué. Nous abolirons la taxe santé. Plus de quatre millions et demi de Québécois auront 200$ de plus dans les poches chaque année, 400$ par famille. Cet engagement se fera à coût nul pour l'État. Nous demanderons un effort supplémentaire aux contribuables dont le revenu est supérieur à 130 000$.»

On voit d'ici le rapport de force politique et électoral: 4,5 millions de Québécois qui se partageront un cadeau de 1 milliard versus les «riches» pourvoyeurs qui sont à peine 143 500.

À la suite de ma chronique «Pauvres riches» de mardi dernier, plusieurs lecteurs ont dénoncé la forte hausse d'impôt que propose la chef péquiste. Je vous en rappelle les grandes lignes.

- Hausse du taux marginal de 4 points de pourcentage (à 28%) sur la tranche de revenu dépassant les 130 000$. En ajoutant le taux fédéral de 24,2%, le taux combiné fédéral et provincial atteindra 52,2%.

- Autre hausse du taux marginal de 3 points de pourcentage (à 31%) sur la tranche de revenu supérieure à 250 000$. Ce qui portera le taux combiné à 55,2%.

À ces hausses d'impôt provincial s'ajoutent deux autres changements fiscaux qui toucheront cette fois tous les épargnants qui ont des revenus de dividendes et de gains en capital.

- Augmentation de l'impôt sur les gains en capital, alors que 75% des gains deviendraient imposables à comparer à 50% actuellement.

- Hausse de l'impôt sur les dividendes, par suite d'une réduction de 50% du crédit d'impôt provincial pour dividendes.

Fait important à noter: si la hausse d'impôt proposée par le Parti québécois devient réalité, le taux marginal d'impôt du Québec atteindra un sommet historique. Jusqu'à présent, le taux record est de 26,4%. Il a été atteint en 1993 et il a perduré jusqu'en 1997.

Hausse anti-économique

Passons maintenant à quelques réactions de lecteurs qui résument bien les nombreux courriels reçus à la suite de ma chronique «Pauvres riches».

Jean Paré, ex-éditeur de L'actualité, dénonce farouchement ces hausses d'impôt.

«Malgré les apparences, la politique Marois est anti-sociale, anti-économique et anti-développement, car la capacité d'adaptation des "nantis" étant fort connue, et les conséquences sur l'économie étant incontournables, le ministre du Revenu n'accroîtra pas ses rentrées fiscales, au contraire.»

«Mais, conclut-il, on aura acheté des votes. Autrefois, c'était avec des cadeaux... aujourd'hui avec une réponse démagogique aux rancoeurs et aux haines sociales. C'est pire.»

Devant la possibilité que des «riches» déménagent leurs pénates en Ontario où le taux marginal combiné sera de 5,8 à 8,8 points de pourcentage plus bas qu'au Québec si le PQ prend le pouvoir, voici la réaction de François Pellerin, qui travaille à New York dans la haute finance.

«Vous mentionnez la possibilité que l'élection du PQ puisse créer un exode vers l'Ontario (et sans doute vers les États-Unis!). J'ai quitté mon Québec natal en 1999 pour les États à l'âge de 26 ans, principalement à cause de la façon dont le fardeau fiscal québécois allait réduire mes gains futurs. En dépit du fait que les "riches" New-Yorkais vont eux aussi probablement payer plus d'impôt qu'avant, votre article m'aide à apaiser ma nostalgie du Québec.»

Le mot de la fin à Claude Ananou, qui se présente comme suit: «maître d'enseignement à HEC Montréal, avocat et ancien entrepreneur». Voici le message qu'il adresse à Mme Marois.

«Mme Marois, de votre faute, je vais être éloigné de mes filles. Ces dernières ont 26 et 27 ans, elles ont terminé leur cheminement universitaire l'année passée après un long parcours académique - maîtrises de Cambridge, de Berkeley, de HEC Paris - après avoir fait leur droit au Québec. Leurs premiers salaires annuels ont été de 70 000$ et 90 000$, mais quand elles ont vu ce qu'il leur restait, après les déductions d'impôts, sur leur chèque de paye, cela a été un choc.

«Votre annonce de faire payer les riches qui gagnent plus de 130 000$ les fait bien rigoler alors qu'on leur propose des emplois ailleurs à plus de 110 000$ après une année sur le marché.

«Connaissez-vous le salaire d'un jeune avocat à Toronto ou à New York et quel est son taux d'imposition à titre de célibataire? Je pense que non.»

M. Ananou tient à nous faire prendre conscience que la génération Y est beaucoup «plus volatile que nous, baby-boomers».

Dernière remarque envers Mme Marois: «Ce n'est pas avec vos mesures fiscales que vous les ferez revenir au Québec. Plusieurs de leurs amis ont déjà fait le saut et d'autres y pensent.»