Jusqu'au début du mois d'août, j'étais convaincu que la grande majorité des investisseurs croyaient dur comme fer que l'offre d'achat d'Astral par Bell allait facilement recevoir le feu vert du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Mais depuis le lancement de la campagne «Dites non à Bell», le 7 août dernier, j'ai l'impression que bien des actionnaires d'Astral se demandent sérieusement s'ils vont vraiment pouvoir encaisser le magot que devait leur rapporter la cession de leurs actions, à 50$ pièce.

Lors des séances boursières qui ont précédé le lancement des hostilités contre Bell, le titre d'Astral (ACM.A) se négociait autour de son sommet depuis l'OPA (offre publique d'achat), soit à 49,29$.

Quelques séances après le déclenchement de l'attaque en règle contre l'acquisition d'Astral Media par Bell, le titre d'Astral s'est retrouvé près des 46,50$. Il a remonté pour se stabiliser juste sous la barre des 48$.

Depuis le début de la cabale anti-Bell, on a noté des volumes importants de transactions sur le titre d'Astral lors de quatre séances, soit celles du 7 août (2,8 millions d'actions échangées); du 8 août (1,6 million); du 13 août (1,2 million) et du 14 août dernier avec 2,2 millions d'actions négociées.

L'offre d'achat d'Astral Media par Bell nous a entraînés dans une guerre ouverte. Le géant Bell subit de ce temps-ci une attaque en règle non seulement de la part de ses adversaires de la télé, de la radio et des télécoms, mais également d'une foule de groupes de pression, allant des consommateurs aux politiciens.

Bell se fait tirer dessus à boulets rouges. Surtout au Québec, où Québecor (le champion de la télé, avec notamment TVA) et Cogeco (le champion de la radio, avec en tête le 98,5 FM) ont uni leurs forces de frappe médiatique pour contrer l'OPA de Bell sur Astral Media et ses réseaux de télé et de radio.

Le début des audiences publiques du CRTC sur l'OPA d'Astral par Bell est prévu pour le 10 septembre. Plus de 800 mémoires ont été déposés sur la méga transaction de 3,4 milliards de dollars.

Mon petit doigt me dit que le titre d'Astral risque de se faire brasser le cours lors de cette période d'audiences du CRTC. Je ne crois pas que les bonzes de Bell vont avoir la partie facile devant les commissaires du CRTC.

L'opposition à l'OPA est si grande que les commissaires du CRTC vont devoir en tenir compte dans leur éventuelle décision. Comment? En imposant comme conditions d'acquisition le démantèlement et la revente d'une partie de l'empire d'Astral Media. Simple question de réduire l'emprise de Bell/Astral sur le monde de la télé et de la radio.

La question de l'OPA à 3,4 milliards de dollars. Dans l'hypothèse où le CRTC impose une panoplie de conditions restrictives, les bonzes de Bell vont-ils les accepter ou vont-ils préférer retirer leur offre d'acquisition? Personnellement, je crois qu'ils choisiront de jouer le jeu, tenant pour acquis qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras!

Revenons sur la vive opposition à l'OPA d'Astral.

Dans leur publicité, les promoteurs de «Dites non à Bell» affirment que la nouvelle méga-entreprise Bell/Astral contrôlerait 79 chaînes de télé. Quelles sont les conséquences d'un tel contrôle? Selon eux, Bell pourrait vous facturer «ce que bon lui semble pour regarder ces chaînes»; vous pousser «à payer également pour d'autres chaînes de Bell qui ne vous intéressent pas»; vous pousser «à acheter les services de communication sans fil, de téléphonie, d'accès internet et de télédiffusion de Bell».

De son côté, Bell rétorque dans sa publicité que les consommateurs auront «accès à une programmation plus diversifiée que jamais, grâce à un investissement de 80 millions additionnels dans la création de contenu télé, radio et numérique francophone. De plus, Bell s'engage à maintenir «un choix de forfaits variés et flexibles afin que vous puissiez vous bâtir une offre télé sur mesure, selon vos préférences».

Concernant plus spécifiquement Québecor, son ennemi numéro un, qui l'attaque sur la concentration, Bell fait valoir dans sa publicité que la nouvelle entité Bell-Astral contrôlerait 24% des parts de marché de l'auditoire télévisuel francophone du Québec à comparer à 30% pour Québecor.

Une précision d'Option consommateurs: en mettant la main sur Astral, Bell détiendrait 80% des chaînes de télévision francophones spécialisées, en plus de détenir 106 stations de radio.

La guerre entre Québecor et Bell vient d'atteindre un nouveau seuil d'agressivité alors que le réseau TVA de Québecor Média a décidé de ne pas diffuser le Challenge Bell, le relevé tournoi de tennis féminin qui se tiendra prochainement à Québec.

Est-ce à dire que ça s'annonce mal pour la couverture médiatique des autres activités commanditées par Bell: le Canadien de Montréal, les spectacles du Centre Bell, le Festival international de jazz, le Festival d'été de Québec, le Musée des beaux-arts de Montréal, le festival Montréal en lumière?

Québecor Média ne va quand même pas se tirer dans le pied!