Si le premier débat des chefs d'hier soir, le seul qui mettait en scène quatre partis, était un réchauffement pour les trois duels à venir ce soir, demain et mercredi, il va y avoir des étincelles cette semaine dans la campagne électorale.

La soirée a été ponctuée de nombreuses flèches dans ce débat qui, faute d'apporter de grandes réponses aux électeurs, aura donné lieu à des échanges musclés et parfois révélateurs de la personnalité des chefs.

Ainsi, François Legault a demandé à plusieurs reprises à ses adversaires s'ils n'étaient pas gênés de la taille de la dette, de l'écart de richesse entre le Québec et les autres provinces, de ne pas avoir de cadre financier...

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a aussi accusé Pauline Marois de «manquer de courage».

Jean Charest, c'était prévisible, a tenté de lier les «deux souverainistes» Pauline Marois et François Legault, à qui il a même reproché leur gestion du réseau de la santé lorsqu'ils étaient au gouvernement, il y a près de 10 ans.

Pauline Marois, qui n'était pas en reste, a servi quelques répliques cinglantes à MM. Charest et Legault.

Plusieurs auraient voulu que ce soit Amir Khadir qui représente Québec solidaire mais, finalement, la présence de Françoise David sur ce plateau aura très bien servi le plus petit parti admis à ce débat. Souriante, calme, posée et précise, drôle aussi parfois, elle a su river le clou à ses adversaires avec aplomb.

Un gagnant ou une gagnante dans ce débat? Il serait tentant de donner la palme à Françoise David mais, comme Québec solidaire ne vise pas, de toute évidence, le pouvoir, elle avait sans aucun doute beaucoup de moins de pression que les autres. Mme David a d'ailleurs conclu la soirée en demandant aux électeurs de l'envoyer à l'Assemblée nationale.

Pauline Marois, meneuse présumée de cette course électorale, jouait gros hier soir. En termes footballistiques, elle n'a pas échappé le ballon, ce qui est déjà très bien, mais elle n'a pas franchi de façon décisive la ligne des buts.

Pour juger de la performance des chefs, il faut d'abord voir quels étaient leurs objectifs. Dans le cas de Mme Marois, c'est clair: garder ses appuis et convaincre les électeurs qu'elle mérite d'être leur prochaine première ministre. Sans rien casser, elle a vraisemblablement atteint cet objectif.

C'était plus risqué pour Jean Charest, qui avait un bilan de neuf ans à défendre, entaché notamment par toutes ces affaires de corruption. Dans les circonstances, il s'en est plutôt bien tiré, et son expérience l'a encore une fois très bien servi. Est-ce assez pour changer la donne, pour ramener dans le giron libéral les électeurs qui ont tourné le dos au PLQ? J'en doute fort.

Pour François Legault, chef d'un nouveau parti et dont c'était le premier débat, la commande était immense. Coincer ses adversaires, aussi bien Jean Charest que Pauline Marois, convaincre que son programme est réaliste et conduira à des changements profonds au Québec, bref, frapper un grand coup afin de donner à son parti l'élan dont il a besoin pour se faufiler en tête à deux semaines du scrutin. Pour un premier débat, il ne s'en est pas trop mal sorti, mais il n'a pas ébranlé sérieusement ses rivaux.

C'est François Legault qui a été sur la défensive pendant la plus grande partie de la soirée, notamment pour ses promesses en matière de santé. Il s'est aussi fait expliquer les bienfaits de la souveraineté par Pauline Marois et Françoise David pendant que Jean Charest se moquait de son récent abandon de la cause souverainiste.

Par moments, on aurait cru que François Legault était l'homme à abattre dans ce débat.

Invitée spéciale: la corruption

S'il y avait une chose prévisible dans ce débat des chefs, c'est que le thème de la corruption allait s'inviter et animer une partie de la soirée.

Jean Charest, qui savait qu'il serait la principale cible, s'était évidemment préparé une contre-attaque, liant Pauline Marois et François Legault à un scandale touchant le Parti québécois.

Ce ne sera pas assez pour éliminer tous les soupçons qui pèsent sur le Parti libéral, mais disons que Jean Charest s'en est étonnamment bien sorti dans ce segment. Manifestement, Mme Marois et M. Legault marchaient sur des oeufs.

Il aura fallu que Françoise David rappelle le chef libéral à l'ordre en lui lançant: «Si j'étais vous, M. Charest, je ne fanfaronnerais pas trop!»