L'époque est à la polarisation des opinions. Chacun constate ce phénomène au Québec comme ailleurs. Aux États-Unis, il a été scruté et mesuré avant même que le choix par Mitt Romney d'un colistier partisan d'une droite dure, Paul Ryan, ne confirme le glissement du centre de gravité du Parti républicain. Cette tendance à se déplacer vers l'extrême existe aussi chez les démocrates, mais elle est beaucoup moins marquée.

Et le phénomène ne date pas d'hier.

Deux études, dont l'une a compilé des données remontant à 1973, ont traduit en chiffres cette polarisation de l'opinion publique et par conséquent celle des positions prises par les élus.

La plus récente, celle du Pew Research Center, montre que, depuis un quart de siècle, l'écart statistique séparant les positions politiques dominantes (sur 48 thèmes bien précis) au sein de chacun des partis a été multiplié par deux. Même les indépendants sont touchés: ils se tassent vers la droite ou vers la gauche, désertant le centre.

L'autre étude (Keith Poole et Howard Rosenthal), qui porte sur les positions prises au Congrès sur une période de 30 ans, illustre cette évolution de façon encore plus lumineuse.

Ainsi, au milieu des années 70, beaucoup d'élus républicains et démocrates étaient assez fréquemment capables d'adopter des positions communes. Trois décennies plus tard, c'est devenu chose rare. Et encore cette étude s'arrête-t-elle en 2004: depuis lors, les choses ne se sont pas améliorées, le débat sur l'Obamacare l'ayant démontré. En outre, les positions médianes des deux partis se sont éloignées l'une de l'autre. Par six points de pourcentage vers la gauche pour les démocrates et le triple, 18 points vers la droite, chez les républicains.

La «rue» américaine, qui s'incarne depuis quatre ans dans le Tea Party, très hostile à l'intervention de l'État, est un pur produit de ce phénomène.

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La polarisation de l'opinion publique n'est pas inconnue ailleurs dans le monde, presque toujours en rapport avec le rôle de l'État en cette période de crise quasi universelle des finances publiques.

C'est le cas au Québec, on le sait, où la «rue» n'a toutefois pas porté de doctrine équivalente à celle du Tea Party, mais son exact contraire: un plus grand engagement de l'État. Cependant, la fougue, elle, était la même...

Or, la polarisation a un effet fâcheux: celui de miner la recherche de compromis au-delà des différences partisanes et idéologiques. Aux États-Unis, par exemple, le bipartisanship semble devenu une chose du passé. Une régression du même type se produit-elle ici? Chose sûre, la doctrine du rejet du parlementarisme, c'est-à-dire le rejet du compromis négocié dans un cadre démocratique, existe bel et bien chez nous.

Cela constitue une raison de plus pour voter, le 4 septembre, en un geste de confiance à l'endroit du régime parlementaire, qui n'a pas de succédané.