Le Canada terminera donc ces Jeux avec 20 médailles, dont trois d'or. Celle au trampoline et les deux gagnées ce matin, celle en kayak et celle au vélo de montagne. Ici je m'avance un peu, je sais bien, je me dis qu'à force de les annoncer, elles vont bien finir par arriver.

À quel rang au classement des nations?

Cela dépend. Il y a ce classement, dont le monde entier convient, qui s'établit selon le nombre de médailles d'or gagnées. Par exemple à Pékin, les Américains avaient remporté 110 médailles au total contre 100 pour les Chinois. C'est quand même les Chinois qui avaient gagné les Jeux avec 51 médailles d'or contre 36 pour les États-Unis. Les Américains n'ont pas chialé, ils n'ont pas dit, ouais, mais au nombre de médailles... C'est pas le nombre de médailles, c'est le nombre de médailles d'or. Pour tout le monde.

Sauf pour le Canada.

Le Canada se réserve le droit de choisir le classement qui l'avantage le plus.

À Vancouver, par exemple. Avec 14 médailles d'or, le Canada a gagné les Jeux olympiques d'hiver de 2010 devant l'Allemagne (10) et les États-Unis (9). Au cumulatif or-argent-bronze, le Canada aurait terminé seulement troisième.

À Londres, avec seulement trois médailles d'or (ou moins si je me suis trompé), le Canada trouve que ce classement au nombre de médailles d'or ne vaut rien. Le Canada en appelle au bon sens. Le cumulatif donne un portrait tellement plus juste. Et surtout, lui permettrait de terminer au 12e rang plutôt qu'au 20e!

Rappel: le Comité olympique international, qui n'en est pas à une contradiction près, ne reconnaît aucun de ces deux classements parce que, dit-il: «Ce sont des individus qui s'affrontent aux Jeux olympiques et non des pays.»

Et les hymnes nationaux lors des remises de médailles? Et les athlètes qui s'emmaillotent dans leur drapeau pour leur tour d'honneur?

Bien sûr que les médailles gagnées aux Jeux le sont par des individus ou des équipes, mais aussi par la nation dont ils sont issus. Et je ne suis pas ici dans une symbolique patriotique. Je parle d'investissement.

Ces médailles sont nationales d'abord par l'argent qu'elles ont coûté à chaque pays en investissement dans des programmes de développement de leur élite sportive, dans des centres d'entraînement hyper perfectionnés, en médecins, entraîneurs, diététiciens, psy.

J'entendais à Radio-Canada dans un reportage d'Alexandra Chaska que les Britanniques avaient investi 400 millions depuis quatre ans dans le développement de leur élite sportive. Ils avaient 56 médailles hier, ça fait 7 millions la médaille... Il s'en trouve pour dire que ce n'est pas si cher payer pour une catharsis nationale.

Le Canada a investi environ 4 fois moins, pour 20 médailles. Tout est bien je trouve. La bonne mesure.

LA PUISSANCE - Le plus beau show des jeux? La gymnastique, bien sûr. Les hommes à la barre fixe et aux anneaux. Les filles à la poutre et au sol. Un sport d'un autre temps. Comment fait-on pour recruter des gymnastes aujourd'hui? Comment fait-on pour entraîner dans cette discipline tellement disciplinaire des gamins et des gamines qui n'auront jamais le loisir, les pauvres, de jouer à des jeux vidéo?

La gymnastique féminine a changé. Les petites filles élancées sont devenues des boules de muscles. Qu'est-ce qu'elles doivent passer comme temps à la salle de musculation. Ainsi, la règle générale qui vaut pour à peu près tous les sports vaut maintenant, aussi, pour les filles de la gym: puissance d'abord, les watts d'abord, le reste suivra.

Je regrette quand même un peu les frêles gamines d'avant. Elles avaient des grâces de cygne. Leur pâleur, bien sûr, devait beaucoup au jeûne. Et on a su plus tard que ces enfants n'avaient pas eu d'enfance, mais c'est une autre histoire.

BILAN - La plus grande performance des Jeux? Je l'ai manquée. Le record du monde du Kényan David Rudisha sur 800 mètres (1: 40,91). Avant Bolt? Tout dépend à qui vous posez la question. Il se trouvera des gens pour vous répondre ni Bolt ni Rudisha: Phelps. Ce ne serait pas un mauvais choix.

J'ai moins d'hésitation si vous me demandez quelles sont les meilleures performances canadiennes. Sur un pied d'égalité, la deuxième place du huit féminin à l'aviron, la deuxième place du huit masculin à l'aviron et la deuxième place de Van Koeverden au 1000 mètres en K1.

Mention à l'athlétisme canadien. Damian Warner, cinquième au décathlon; ce Cameron Levins sans aucun complexe au 10 000 mètres (il court le 5000 cet après-midi); le bronze au saut en hauteur (Derek Drouin); les deux filles en finale du 100 haies, et même si c'est une petite déception, la 5e place de Dylan Armstrong au poids. Bref, ça s'en vient, l'athlétisme canadien; tout doucement, mais ça s'en vient.

La déception? La natation canadienne qui a beaucoup promis depuis six ans et assez peu tenu. J'entends que son directeur technique quitte pour d'autres fonctions à la fédé? Puis-je lui suggérer la job des relations de presse? Il est très doué pour ça.

MARKETING - Le meilleur article que j'ai lu durant les Jeux sur un sujet olympique? Dans le New York Times, un papier sur Lolo Jones, la coureuse de haies qui s'était plantée à Pékin et qui, à Londres, a fini 4e avec un chrono assez moyen. Lolo Jones, pétard absolu et cependant chrétienne, et cependant vierge - personne ne le lui avait demandé, elle l'a précisé d'elle-même: au fait, les boys, je suis vierge. On a pu la voir cette année presque nue en couverture d'Outside, elle a 30 ans, c'est pas une mauvaise coureuse de haies, pas une très bonne non plus, en fait, ce n'est pas un article sur Lolo Jones, c'est un article sur le marketing olympique. Comment se vendre avec l'aide d'une bonne agence de relations publiques. Comment, aux Jeux olympiques, une bonne histoire - vous ai-je dit qu'elle avait eu une enfance très malheureuse? - comment une bonne histoire vaut plus que la victoire. La preuve: qui se souvient, deux jours plus tard, de qui a gagné le 100 haies?

Rien à voir, du moins je ne crois pas, c'est seulement que cela me traverse l'esprit à l'instant: en plongeon, savez-vous qui a gagné au tremplin de trois mètres?