L'enjeu de la souveraineté, qui a dominé notre vie politique depuis un demi-siècle, a cessé d'être au coeur du débat. Le sondage CROP-La Presse d'hier révélait que 60% des Québécois voteraient non, tandis qu'à peine 36% voteraient oui.

Plus tôt cette semaine, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a affirmé que s'il y avait un référendum sur la souveraineté, il voterait non. Cette clarification de celui qui fut un ministre péquiste dissipera les doutes que certains entretenaient sur ses intentions. Mais plus profondément, elle montre à quel point les choses ont changé.

Il y a quelques années, j'ai écrit un livre sur l'impossibilité d'une victoire de la souveraineté, à une période où personne n'osait trop s'étirer le cou là-dessus. Et je demandais aux souverainistes ce qu'on fait quand on ne peut pas l'emporter. Faire semblant? Foncer dans un mur? Multiplier les plans B? Ou contribuer d'une autre façon au développement du Québec?

Cette impasse a d'ailleurs mené à un éclatement du mouvement souverainiste. Des six partis qui se font la lutte dans ces élections, quatre proviennent de cette mouvance et chacun a choisi une stratégie différente pour y répondre.

En fondant la CAQ, François Legault a choisi de mettre l'option de côté pour se concentrer sur d'autres objectifs. C'est un cheminement courageux, celui d'abandonner la cause à laquelle on a cru. Il est parfois difficile à comprendre dans un débat en noir et blanc où l'on devrait être soit fédéraliste, soit souverainiste. Mais c'est ce qui fait la force de la CAQ, capable d'accueillir des Québécois de tous les horizons, tannés d'être des otages du clivage constitutionnel.

D'une certaine façon, Québec solidaire a fait la même chose. Sa cause est bien plus le progrès social que la souveraineté, comme le montre l'appui d'Amir Khadir au NPD plutôt qu'au Bloc québécois. Option nationale, de Jean-Martin Aussant, a choisi le déni, et la marginalité qui vient avec, en faisant comme si tout allait bien.

L'autre courant, incarné par Pauline Marois, consiste, faute de pouvoir l'emporter franchement, à multiplier les stratégies indirectes pour amener les Québécois là où ils ne veulent pas aller, en jouant sur les thèmes identitaires, en multipliant les affrontements avec le reste du Canada.

Mme Marois sait qu'elle irait à l'abattoir en annonçant un référendum dans un premier mandat. Elle parle donc «d'agenda ouvert»: elle ne promet pas de référendum, mais se dit incapable de promettre qu'il n'y en aura pas.

Ce flou artistique, on le retrouve dans le slogan électoral du PQ, qui est aussi le titre de sa chanson-thème, «À nous de choisir». Un slogan étrange, quand on y pense, puisque, par définition, une élection consiste à choisir. Mais ce n'est pas de choix électoral dont il s'agit, ce qui devient clair quand on décode les paroles de la chanson, un monument d'acrobatie verbale. Tout y est: «choisir», «demain», «chemin», «avenir», «agir», «s'appartenir» «espoir», «meilleurs lendemains», «destin». Mais jamais on n'y parle de pays, d'indépendance ou de souveraineté.

L'autre stratégie, c'est celle du gossage et des affrontements. C'est déjà commencé, ce qui n'a pas trop paru parce que Mme Marois est restée sous le radar depuis le début de la campagne. Mais elle a déjà promis de rapatrier les fonds des programmes fédéraux de développement, elle a dénoncé la monarchie, elle a promis de récupérer les fonds du programme fédéral d'assurance-emploi, elle a dénoncé le processus de nomination d'un juge du Québec à la Cour suprême. Tout ça en moins de dix jours. Imaginez quatre ans!