J'avais pris congé d'olympisme pour aller pédaler un peu, même si c'était le jour de Despatie. Je ne peux pas dire que je sois fou de plongeon. J'ai appris la déconfiture d'Alexandre sur le chemin des Rivières, dans une ferme tenue par des Suisses, la fermière pensait que je voulais de l'eau...

Non madame, je me demandais: vous ne regardez pas les Jeux olympiques?

Je n'ai pas le temps, vous pensez bien. Mais je viens d'entendre à la radio que ça s'est mal passé pour Alexandre Despatie. Une totale déconfiture.

C'est ce qu'elle a dit, déconfiture. Je trouve que cela va tellement mieux à sweet Alexandre que échec ou déroute.

Je me suis dit que ça allait être le drame dans les chaumières du Québec. Pas du tout! Pas de drame. Ni de pleureuses à la radio ou à la télé. Tout le monde était bien fier de sa 11e place. Tout le monde lui trouvait bien du mérite, bien du courage après tout ce qu'il avait souffert.

Il a souffert?

Bien sûr! Sa blessure au genou l'an dernier. Et surtout cet horrible accident à Madrid, où il frappe le tremplin avec sa tête, l'as-tu vu la tête bandée comme un trépané?

Mais ne disait-il pas lui-même qu'il était prêt? Que ces accidents ne l'empêcheraient pas de performer à son meilleur? J'ai dû mal comprendre.

Si je vous avais demandé mardi matin: à votre avis, à quel rang va finir Alexandre Despatie, vous m'auriez répondu: deuxième, entre les deux Chinois. Ça fait trois mois que je vous entends répéter qu'il va gagner la médaille d'argent. Même Philippe Comtois, qui a déjà plongé avec lui en synchro, l'a dit dans nos pages: deuxième. Vous disiez ça pour rire? Vous saviez qu'il n'était pas prêt? Qu'il allait finir 11e?

Comme ça, je suis tout seul à être un peu déçu?

Ça m'apprendra à croire ce qui est écrit dans les journaux.

Je revoyais l'autre jour la photo d'Alexandre à Kuala Lumpur, il vient de gagner la médaille d'or au 10 mètres, il a 13 ans à l'époque, mais il a l'air d'en avoir huit et demi dans les bras du colosse qui le lève comme une plume, la photo a fait le tour du monde, chaque fois que je la revois, je me dis: qu'est-ce que sa maman devait être fière.

Depuis hier, je sais qu'Alexandre, le chanceux, a deux mamans. Une qui s'appelle Christiane et une qui s'appelle le Québec, et qui le verra toujours avec les yeux de l'amour.

Multiculturalisme

Au moment où j'écris ces lignes, le Canada n'a toujours qu'une seule médaille d'or. Celle du trampoline féminin. Au moment où vous lirez ces lignes, Dieu m'entende, le Canada aura peut-être deux médailles d'or, la seconde au cou de Tonya Verbeek, en lutte libre, chez les moins de 55 kilos. Mais il ne faut jurer de rien, on l'a appris ces derniers jours. Franchement, ce serait drôlement bien une deuxième médaille d'or qui se superposerait à la première en la cachant un peu. C'est très bien le trampoline, c'est pas ce que je veux dire, mettons t'as déjà huit médailles d'or, t'en gagnes une neuvième au trampoline, c'est parfait, mais quand tu n'en as qu'une...

C'est la seule médaille d'or du Canada?

Oui.

C'est à quoi?

Au trampoline.

Ah bon, c'est un sport canadien?

Absolument. C'est un sport très multiculturel qui joue un grand rôle dans l'intégration des nouveaux arrivants, on saute tous ensemble en se tenant par la main, les Arabes, les Italiens, les Luxembourgeois, les Ukrainiens, hop-là, hop-là, le trampoline est à l'altérité canadienne ce que la cerise est au clafoutis.

Mais si Verbeek ne gagne pas aujourd'hui? Alors il faudra espérer Sergerie (taekwondo) demain. Mais si Sergerie ne gagne pas non plus? Alors Catharine Pendrel (vélo de montagne) samedi. Et si Catharine...

Ben là, pas le choix, si le Canada revient de Londres avec cette seule médaille d'or au trampoline, on coupe les couilles à Marcel Aubut.

En attendant, aujourd'hui, n'oubliez pas Bolt dans le 200, n'oubliez pas le décathlon... et non, désolé, le jeune Canadien Damian Warner, 22 ans, ne restera pas troisième, comme dit mon ami Laurent Godbout, grand boss de la Fédération d'athlétisme du Québec, la première journée du décathlon, c'est pour le talent, la seconde, c'est pour les hommes.

Le sexe des porte-drapeaux

Berlin, août 2009, la Noire sud-africaine Caster Semenya, 18 ans, vient de franchir la ligne d'arrivée du 800 mètres presque trois secondes devant les autres, ce qui ne s'est jamais vu à ce niveau. Un lourd silence de réprobation pèse sur le vieux Stade olympique de Hitler.

La presse allemande en parlait depuis plusieurs jours: Caster Semenya ne serait pas une femme.

Semenya courra ce soir à Londres la demi-finale du 800 (couloir 6 de la deuxième vague). Quoi de neuf depuis Berlin?

Sur le plan sportif, elle ne domine plus autant le 800 féminin. Sur le plan des apparences, elle n'a toujours pas l'air d'Audrey Tautou ni de Charlize Theron.

Sur le plan de son identité sexuelle, des tests hormonaux et radiologiques ont révélé la présence de tissus testiculaires... et ovariens. Bref, Mlle Semenya est probablement hermaphrodite.

Devrait-elle être bannie? Je n'en sais rien et je m'en fous. Ce qui me défrise ici est politique.

L'ANC, au pouvoir en Afrique du Sud, a fait de Semenya l'héroïne des townships et, avec un formidable culot, en a fait la porte-drapeau de l'Afrique du Sud à la cérémonie d'ouverture des Jeux de Londres. Que les petits Blancs du CIO et de la Fédération internationale d'athlétisme (même dirigée par un Noir) s'avisent donc, s'ils l'osent, de baisser les culottes de la porte-drapeau de l'Afrique du Sud.

Qui veut d'une chicane raciste?

Rarara

Celle-là, je l'ai entendue en anglais comme en français, le commentateur sportif vient de se désoler de la défaite des Canadiennes contre les Américaines au soccer, et pour finir quand même sur une note positive - c'est tellement important la note positive - il dit quelque chose comme: ça fait rien, demain, les Canadiennes auront l'occasion de venger les filles du soccer en battant les Américaines au basketball.

Les Américaines ont écrabouillé les Canadiennes 91-48. USA-Canada au basket, c'est comme Canada-Luxembourg au hockey.

Non, c'est pas grave, mais ça m'énerve. Si un chroniqueur politique glissait dans un commentaire que Québec solidaire a peut-être des chances dans Mont-Royal, il se ferait parler par ses collègues, par son boss, des milliers de gens enverraient des courriels.

Dans le sport? Tu dis n'importe quoi en faisant rarara-Canada, tout le monde est ravi.