François Legault a réussi un coup de maître en recrutant le champion de la lutte à la corruption, Jacques Duchesneau. Cela donnera probablement une autre allure à la campagne électorale.

Le fait que l'ancien policier, ainsi que l'ex-président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, portent les couleurs de la Coalition avenir Québec montre que François Legault peut attirer des candidats de talent et présenter une équipe forte, ce qui l'aidera à s'imposer comme un joueur sérieux dans la campagne.

En plus, la présence de M. Duchesneau permettra à la CAQ de s'imposer dans ce qui est un enjeu central, la corruption politique, pour marquer des points contre les libéraux, principale cible dans ce dossier, mais aussi pour tirer le tapis sous les pieds de Pauline Marois, qui aurait bien aimé avoir le leadership dans ce débat.

Mais l'arrivée de ces candidats-vedettes comporte un coût pour François Legault. Pas seulement parce que ces recrues de prestige, aux ego surdimensionnés, peu à l'aise avec le travail d'équipe et la discipline de parti, sont difficiles à contrôler et puissent mettre leur chef dans l'embarras.

C'est déjà fait! Tellement vite que c'en est une blague. Hier matin, moins de 24 heures après l'annonce officielle de sa candidature, Jacques Duchesneau avait déjà réussi à faire une gaffe, et une grosse, en racontant à la radio que François Legault lui avait confié la responsabilité de nommer certains ministres-clés. Une véritable bourde, quand on sait qu'il s'agit d'une chasse gardée des premiers ministres, comme le chef caquiste a dû le lui rappeler. Cela montre que M. Duchesneau n'est pas seulement bavard, mais qu'il manque aussi de jugement.

Le véritable problème n'est pas là. La CAQ court un risque plus profond. L'arrivée de candidats-vedettes dans une formation politique naissante, dont le programme et la personnalité ne sont pas encore bien définis, ne fait pas seulement que renforcer le parti. Elle le transforme.

Dans ce cas précis, la grande la popularité de M. Duchesneau, et la notoriété du Dr Barrette, reposent sur leur capacité, chacun à leur façon, de cultiver les thèmes classiques du populisme. J'utilise le terme dans son sens strict, celui d'un courant qui se caractérise par sa dénonciation du système et de ses élites et qui, au nom du peuple, a tendance à proposer des solutions simples qui font appel au bon sens populaire.

Ce que les gens aiment chez M. Duchesneau, c'est son côté justicier, qui pourfend les élites politiques, les profiteurs, le système, qui ne mâche pas ses mots et qui réconforte les gens dans leur perte de confiance à l'égard de la classe politique. Le recours aux raccourcis, aux exagérations et aux accusations imprécises n'a

pas émoussé sa popularité, mais cela pourrait devenir un boulet si on lui confiait un poste de responsabilité.

Gaétan Barrette joue sur les mêmes registres. Il nourrit la colère des citoyens, insatisfaits des soins de santé, leur désigne des coupables - le système, les fonctionnaires, les médecins généralistes - et leur propose de régler les problèmes avec des solutions en apparence simples et rapides.

N'oublions pas que le souci des fondateurs de la CAQ était de concentrer les énergies sur le développement économique et la gestion serrée des finances publiques, avec des propositions parfois ternes et techniques. En absorbant l'ADQ et ses éléments disparates, le parti de M. Legault avait déjà commencé à troquer ses approches technocratiques pour des élans populistes. L'arrivée des vedettes accélère le mouvement.

François Legault, en réussissant à susciter des candidatures de prestige, a réussi un premier test. Celui du recrutement. La façon dont il réussira à gérer ses «loose cannons» constituera un autre test, celui du leadership.