Usain Bolt? Il est fini. Depuis Berlin et son record du monde en 2009, il ne fout plus rien. C'est pu un athlète, c'est une rock star.

Qui disait cela? Tout le monde. L'as-tu vu sortir des blocs? Techniquement, ce gars-là a toujours été nul et comme, en plus, il n'est pas sérieux, bonjour le désastre à Londres.

On le répétait encore une heure avant la finale du 100 mètres. Il ne travaille pas! Tu veux que je te dise: ça m'étonnerait pas qu'il fasse un faux départ comme aux championnats du monde en Corée, l'an dernier.

Vous avez vu la course de Bolt? Il était tout seul. Pas foudroyant comme à Pékin, et il n'a pas ralenti dans les 20 derniers mètres comme à Pékin, mais il était tout seul quand même, laissant Yohan Blake - quel petit con celui-là - laissant son dauphin autoproclamé à une bonne enjambée et demie derrière. Bolt est allé plus vite à Londres (9,63) qu'à Pékin (9,69). Deuxième performance mondiale de tous les temps, la première étant son propre 9,58, bien sûr.

Imagine s'il était pas fini!

Imagine s'il avait eu un bon départ, s'il était concentré, s'il était sérieux à l'entraînement, s'il ne se prenait pas pour une rock star.

S'il y a une légende Bolt, c'est bien celle-là: celle de l'athlète qui ne s'entraîne pas, à qui tout vient facilement. Ben tiens! Tu cours pas 100 mètres en 9,63 sans t'entraîner comme un fou, sans travailler ton départ, tes appuis, ta fluidité... Cela ne suffit pas d'avoir une grande foulée, cela ne suffit pas d'être doué, et ce n'est pas parce qu'on te surnomme «la foudre» que la force te tombe du ciel, merci mon Dieu. Il n'y a pas de secret, pas de magie, et pour la force il n'y a pas de secret, elle vient par des centaines et des centaines d'heures de musculation.

On a beaucoup dit depuis Pékin, et Berlin, et maintenant Londres qu'Usain Bolt a amené le 100 mètres dans «une autre dimension». C'est pas complètement faux. Mais il y a bien plus que ça. Il y a aussi que les pistes sont meilleures, pour employer un terme de cyclisme: elles rendent mieux (avec leur effet cinétique). Il y a les progrès de la physiologie musculaire qui permettent des entraînements beaucoup plus efficaces. De meilleurs souliers aussi et un suivi médical extrêmement pointu, et l'alimentation, etc.

Ce n'est pas une autre dimension. C'est notre dimension. D'autres Usain Bolt viendront bientôt courir le 100 mètres en 9,40, en 9,30.

Le principe de la Formule 1 appliqué à l'humain. Le progrès, quoi, sauf que celui-là, au lieu de faire vroum-vroum, nous arrive en shorts et en runnings. C'est plutôt réjouissant.

LA MAMAN DE PHELPS - Vous souvenez-vous que l'événement de la première journée des Jeux avait été une défaite? Celle de Michael Phelps dans le 400 mètres 4 nages. Même pas sur le podium. Certains murmuraient, j'en étais, que Phelps allait rater ses adieux.

Quatre médailles d'or et deux d'argent! On a connu des ratages plus ratés. Et bien sûr, ce total de 22 médailles olympiques dont on nous a rebattu les oreilles, qui en fait l'athlète le plus médaillé de l'histoire des Jeux.

Phelps n'a pourtant pas besoin de ce record-Pinocchio pour figurer sur le même tableau que les Jesse Owens, Carl Lewis, Zatopek, Nurmi, Gebreselassié, El Guerrouj... Pourquoi Pinocchio? Parce que c'est un record menteur établi dans une discipline qui multiplie les épreuves et donc les occasions de médailles (la gymnastique aussi, d'ailleurs). J'ai en tête un lanceur de disque américain, Al Oerter, médaillé d'or à quatre Jeux consécutifs, lui aussi un des plus grands athlètes de tous les temps, mais comment aurait-il pu aller chercher 22 médailles?

Pour revenir à Phelps, j'ai aimé qu'il soit cet Américain si grand dans la piscine, si résolument tranquille dans la vie, bref qu'il ressemble si peu à son agitée de mère que NBC nous a montré dix mille fois toute énervée dans les estrades. Les journaux ne l'ont pas dit, mais je tiens de bonne source que c'est la vraie raison de la retraite de Michael: il n'est pas écoeuré de la natation, il est écoeuré de sa mère dans les estrades.

MISS TITANIC - Je vous fais un pari. Lorsqu'on vous demandera, dimanche prochain, quel a été pour vous le moment le plus émouvant des Jeux, combien on parie que vous serez 12 millions et demi à répondre: l'entrevue que la triathlonienne Kathy Tremblay a accordée à RDS, entrevue dans laquelle elle commence par dire que c'est pas grave qu'elle se soit aussi royalement plantée, elle poursuit en affirmant que ça ne change rien: elle est quand même une des meilleures au monde. Pour finir par des pleurs qui démentaient tout ce qu'elle venait de dire, je sais que vous avez pleuré avec elle, vous êtes si sensibles.

Non, moi je n'ai pas pleuré. Mais je filais mal, tiens, je filais comme Kate Winslet quand elle entend la chanson du Titanic.

CASQUE DE BAIN - La Saoudienne Wodjan Shaherkani a finalement gagné son combat - elle a perdu au judo, mais ça elle s'en fout -, elle a gagné son combat contre la Fédération internationale de judo et le CIO, qui voulaient l'empêcher de combattre en hijab. Les islamistes se sont agités, ont menacé d'en faire un scandale, le CIO a cédé à moitié: la Saoudienne pourrait combattre en casque de bain. Ce qu'elle a fait.

Plutôt qu'aux Jeux olympiques, on se croirait ici dans un chapitre du rapport de la commission Bouchard-Taylor, commission qui, je vous le rappelle, a réussi, elle aussi, à mettre un casque de bain à la laïcité.

N'oubliez pas ce soir cette très curieuse finale du 400 mètres, de toute éternité fief des Américains (un, deux, trois à Pékin), mais ce soir sans un seul Américain. Il y aura cinq Antillais - Bahamas deux fois, Trinidad, Grenade, République dominicaine - et deux Belges, c'est même pas une blague, les jumeaux monozygotes Kevin et Jonathan Borlée. Je vais vous dire comme ils disaient à NBC: des Belges monozygotes dans une finale du 400, ça se reproduira peut-être pas avant 1000 ans. Vive l'olympisme.