Promettre des emplois, c'est sans doute la recette la plus éculée de l'arsenal électoral. Robert Bourassa en promettait 100 000 dans les années 70, Barack Obama en a fait un mantra, «jobs, jobs, jobs». C'est maintenant au tour du chef libéral Jean Charest d'entrer dans la ronde avec un plan d'action intitulé «Pour le plein emploi» qui s'engage à créer 250 000 emplois sur cinq ans et à ramener le taux de chômage à 6%.

Il y a des cas où ce thème s'impose en campagne électorale, comme dans le Québec des années 70 qui devait absorber l'arrivée des jeunes baby-boomers sur le marché du travail, ou aux États-Unis dévastés par la crise de 2008. Mais au Québec? Quand le taux de chômage, à 7,7%, est très bas sur une base historique, quand à peine 18% des électeurs en font une priorité?

Pourquoi alors? La raison est évidente. C'est une façon pour les libéraux de ramener le débat sur le terrain économique. Plusieurs analystes ont prédit, un peu vite, que Jean Charest voudrait transformer cette campagne en référendum sur le conflit étudiant.

Sa première intervention, le premier vrai jour de campagne, a plutôt porté sur l'économie. Dans l'espoir de faire oublier le reste, mais aussi parce que c'est le thème qui lui est le plus favorable.

Le bilan économique des libéraux est bon, particulièrement en ce qui concerne le marché du travail, et leurs adversaires péquistes, sans ténors économiques, n'occupent pas beaucoup ce terrain. Parler d'emplois, c'est une façon pour les libéraux de rappeler que le Québec en a perdu moins que ses voisins pendant la crise, qu'il les a récupérés plus vite et qu'après une mauvaise année 2011, les choses vont bien en 2012, avec 79 500 nouveaux emplois depuis le début de l'année.

Mais cette promesse a quelque chose d'agaçant. D'abord parce qu'elle se dégonfle pas mal quand on décompose les chiffres. Les libéraux visent 50 000 emplois par année, quand, selon les prévisions, il s'en créerait autour de 40 000 sans intervention particulière. La promesse, relativement modeste, se ramène donc à 10 000 postes par an. Quant au taux de chômage à 6%, on sait qu'il descend tout seul, à cause des départs à la retraite des boomers.

Ensuite, parce que le Québec a des problèmes économiques plus sérieux, comme la productivité. Enfin, parce que ce ne sont pas les gouvernements qui créent les emplois ou qui les perdent.

Le Québec n'a pas sur les bras une armée de chômeurs à qui il faut trouver des jobs. C'est exactement le contraire. Il faut plutôt trouver des gens pour réussir à combler les 1,4 million de postes qui s'ouvriront d'ici 2020, en raison de la croissance économique et du vieillissement.

D'ailleurs, la stratégie libérale, même si les détails ne sont pas encore là, va plutôt dans ce sens. Elle ne comporte pas vraiment d'initiatives classiques de création d'emplois. On veut plutôt augmenter le taux de participation, c'est-à-dire amener sur le marché du travail des gens qui n'y sont pas assez nombreux, par exemple les travailleurs plus âgés. On veut aussi améliorer les compétences, par la formation, par le développement des universités pour mieux répondre aux besoins.

En fait, pour être précis, ces mesures visent moins à réduire le taux de chômage qu'à augmenter le taux d'emploi. Mais c'est moins vendeur dans un contexte électoral.

La dernière fois qu'un politicien québécois a parlé de plein emploi, c'était Pauline Marois, il y a 10 ans, en 2002, quand elle était ministre des Finances, avec un document dont le titre «Vers le plein emploi» était presque le même que celui des libéraux. Plus ça change...