Ça aura été la plus grande panne d'électricité de l'histoire. Mardi, après une première alerte la veille, entre 600 et 700 millions d'Indiens ont été privés de courant, y compris ceux de New Delhi. C'est 10% de la population mondiale! Pour donner un ordre de grandeur, le black-out de 1965, dont on se souvient à cause des scènes de pillage à New York, avait touché 25 millions de citoyens. Et notre fameux verglas de 1998 n'avait plongé dans le noir «que» quatre millions d'individus...

Chaleur suffocante, mineurs emprisonnés sous terre, paralysie des trains et des métros, arrêt des usines de filtration d'eau, panne des réseaux de communications et le reste... L'Inde vient de vivre des moments pénibles qu'a aggravés la conscience de détenir désormais un bien triste record, ce qui aurait pu être évité. Car cet écroulement était prévisible: il tient largement au fouillis administratif ainsi qu'à l'anarchie entretenue par la petite politique politicienne - le chaos, en somme - qui empoisonnent la production et de la distribution de l'électricité.

De fait, six mois avant la grande panne, The Economist avait presque prévu le coup.

Le magazine britannique avait alors dénoncé ce chaos, l'imputant à l'enchevêtrement d'intérêts contradictoires. Ceux «des multiples États (l'équivalent de nos provinces), ministères, contrôleurs, mandarins, politiciens, magnats, environnementalistes, villageois, activistes, escrocs et bandits» !

La liste des problèmes du réseau indien occuperait la totalité de cette page. L'incapacité d'extraire suffisamment de charbon pour faire tourner les centrales, par exemple. Ou la «disparition» du tiers de l'énergie produite. Ou le train raté de l'hydroélectricité et du nucléaire.

Mille autres choses encore.

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Cependant, en dernière analyse, l'affaire pourrait bien être redevable d'un côté détestable de la démocratie - la Chine, elle, n'a pas ce problème-là...

Il s'agit de la courte vue. De la tentation qu'ont les élus, et d'autres à leur suite, de négliger les infrastructures jusqu'à ce qu'elles flanchent! L'électricité, l'eau potable, les ponts et chaussées (n'est-ce pas?) entrent dans cette catégorie.

Or, rien n'est possible sans cela.

L'Inde a connu un taux de croissance économique de 8,5% en 2010-2011, en baisse à 6,7% en 2011-2012. Ses infrastructures sont mises sous forte pression et elles craquent. «On aimerait croire que, lorsque la lumière va revenir, (les politiciens) vont comprendre l'urgence d'agir. Mais, contrairement à ce qui se produit dans ses films, les désastres en Inde n'ont pas toujours une fin heureuse», a prévenu The Economist alors que la panne n'était pas encore résorbée.

Négliger les infrastructures est une tentation que nous connaissons et à laquelle nous avons cédé dans le passé. La situation a tendance à se rétablir, en dépit de quoi, d'ici le 4 septembre, c'est un sujet qui devrait aussi être abordé.