Ça ne va pas bien dans les municipalités! Elles sont aux prises avec une lourde dette de 21 milliards de dollars. Elles n'ont plus les moyens de supporter le lourd fardeau du déficit actuariel de 4 milliards des régimes de retraite des employés municipaux. La restauration des infrastructures entraîne des dépenses démesurées.  Les budgets sont de plus en plus difficiles à équilibrer. La facture du transport en commun est intenable.

On comprend pourquoi le président de l'Union des municipalités du Québec (UMQ), le maire Éric Forest, de Rimouski, tient à rappeler aux chefs des partis politiques les principales préoccupations du milieu municipal. Et dans le cadre de l'imminente campagne électorale, il demande aux partis politiques de reconnaître la contribution majeure des municipalités à l'économie québécoise et de s'engager à renforcer les outils dont elles ont besoin.

Le maire Forest attend donc avec impatience que le Parti Libéral, le Parti Québécois, la CAQ, Québec Solidaire... étalent au grand jour les promesses électorales visant spécifiquement le financement des municipalités.

Comme on sait, les municipalités représentent le troisième palier gouvernemental, après le fédéral et le gouvernement provincial. Pour en comprendre l'importance politique, voici les précisions que Jasmin Savard, directeur des politiques à l'UMQ,  nous a transmises à la suite d'une série de questions de La Presse Affaires.

QUESTION : Avez-vous des chiffres relatant la contribution des municipalités à l'économie?

RÉPONSE: Les municipalités sont responsables de près de 60 % des infrastructures publiques au Québec. Elles investissent annuellement près de 16 milliards de dollars dans l'économie québécoise. Elles offrent 80 000 emplois directs, et 8 000 postes électifs.

D'un point de vue strictement quantitatif, nous savons maintenant que lorsque les gouvernements (fédéral, provincial et municipal) investissent un dollar dans les infrastructures, cela génère des retombées fiscales directes de 18 cents pour le gouvernement provincial et de 14 cents pour le gouvernement fédéral. De 2008 à 2014, les retombés fiscales directes sont donc évaluées à plus de 2,5 G$ pour les gouvernements alors que les municipalités ne retirent aucune retombée fiscale directe.

QUESTION: Que souhaitez-vous obtenir comme autres sources de revenu que la taxe municipale?

RÉPONSE:  Plusieurs options peuvent être envisagées. Il y a des solutions qui n'augmentent pas le fardeau fiscal des contribuables, comme recevoir une portion des revenus de la TVQ, de la taxe sur le carburant ou encore de l'impôt sur le revenu.

Les municipalités, précise M. Savard, cherchent à diversifier leurs sources de revenus car l'impôt foncier est actuellement saturé. Représentant près de 75% de tous leurs revenus autonomes des municipalités, l'impôt foncier est aujourd'hui mal adapté à une panoplie de nouvelles responsabilités municipales.

QUESTION: Le gouvernement du Québec a-t-il proposé des solutions pour aider les municipalités à régler le déficit actuariel de 4 milliards des régimes de retraite municipaux?

RÉPONSE: Non, pas encore. L'UMQ a proposé des pistes de solution concrètes: permettre un régime à prestations cibles; revoir les garanties d'indexation; ne plus permettre des retraites anticipées sans réduction de rentes ; hausser l'âge de la retraite; revoir les ententes existantes sur l'utilisation des surplus. Comme modèle, l'UMQ recommande de suivre les exemples du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario qui proposent des mesures concrètes permettant de réduire les prestations futures des employés et de partager équitablement les déficits actuariels équitablement entre salariés et employeurs.

QUESTION: L'entente de partenariat portant le remboursement de la TVQ payée par les municipalités arrive à échéance en 2013. Cette entente prévoit le plein remboursement aux municipalités, à compter de 2014, de la TVQ payée. De 2006 à aujourd'hui,  à combien s'élève l'écart entre le montant de la TVQ payée par les municipalités et la ristourne de TVQ que le gouvernement du Québec leur a versée?

RÉPONSE: L'écart entre la TVQ réellement payée et la TVQ remboursée s'élève à 2,1 milliards de dollars. Dans sa liste de demandes électorales,  le président de l'UMQ, Éric Forest, incite fortement les divers partis politiques à prendre l'engagement ferme de rembourser la totalité de la TVQ à partir de 2014. Précisons que le gouvernement fédéral rembourse aux municipalités la totalité de la TPS et ce depuis belle lurette.

QUESTION: Le Plan québécois des infrastructures et du Fonds Chantier Canada a permis aux municipalités d'effectuer beaucoup de rattrapage des améliorations dans la réhabilitation des infrastructures municipales. Combien d'argent doit-on encore investir dans les infrastructures municipales pour les réhabiliter?

RÉPONSE: Malgré l'importance des investissements effectués ces dernières années, il va falloir continuer à investir autour de 3 à 4 milliards par année dans les infrastructures d'eau potable, d'eaux usées et de routes. Et cela pour au moins les 10 années à venir.

QUESTION: Le financement par les municipalités du transport collectif augmente sans cesse.  L'UMQ souhaite que le cadre financier établissant la part de chacun soit revu pour assurer une plus grande équité. Quelle est actuellement la part des municipalités dans le transport public et que souhaitez-vous comme % raisonnable à débourser? En chiffres $$$, cela veut dire combien?

RÉPONSE: Le désengagement du gouvernement du Québec dans le financement du transport collectif depuis les années 1990 a entrainé un transfert important du financement de cette responsabilité vers les municipalités dont la contribution en 2008 a atteint 35% dans certaines grandes villes. En contrepartie, la contribution cumulée des gouvernements fédéral et provincial n'a représenté en moyenne que 18%.

Les dépenses de fonctionnement en transport collectif des municipalités sont passées de 1,3 milliard en 2007 à près de 1,8 milliard  en 2010, soit une augmentation de 32% en trois ans.

Considérant que l'ATUQ (Association du transport urbain du Québec) projette des besoins de plus de 19 G$ d'ici 2020 uniquement pour les sociétés de transport (régions métropolitaines) et que les municipalités financent directement près de la moitié du budget de ces sociétés de transport, les municipalités devront donc financer près de 10 G$ supplémentaires d'ici 2020 à même l'impôt foncier si aucune nouvelle source de revenu dédiée ne leur est accordé.

Le gouvernement du Québec, dans son dernier budget, a annoncé qu'il financera à compter de 2015 ses actions pour la lutte aux changements climatiques à même les redevances sur le carbone et la vente de droits d'émission.

Comme les 2/3 des actions du plan concernent le transport collectif, les municipalités, conclut M. Jasmin,  devraient peut-être obtenir une part importante de cette nouvelle source de financement à titre de gestionnaire des réseaux de transport collectif.