Fini le «monopole» que des petites compagnies de téléphone locales détenaient dans des zones rurales et villages, comme St-Élie-de-Caxton, St-Alexis-des-Monts, St-Paulin, Charrette, Ste-Perpétue, St-Odilon-de-Cranbourne, Ste-Sabine, Lac-Frontière, Ste-Séraphine, Upton, etc. Conséquemment, ces PME de la téléphonie locale sont appelées soit à rendre l'âme ou à se faire acheter pour une bouchée de pain par l'une des grandes télécoms canadiennes, comme Bell, Telus, Cogeco ou Vidéotron.

Il reste actuellement au Québec neuf petites compagnies de téléphone qui desservent 50 000 clients dans des zones rurales où les grandes télécoms sont totalement absentes. Elles ont pour nom Sogetel, Milot, Cooptel, Guèvremont, St-Éphrem, Upton, St-Victor, Lambton, Courcelles. En Ontario, les petites télécoms sont au nombre de 24, pour desservir 80 000 clients de régions rurales.

Pour réussir à survivre, celles-ci ont chacune le «monopole» de la clientèle localisée dans le territoire desservi. Un règlement du CRTC n'autorise que la présence d'un seul fournisseur de services titulaire sur ces territoires ruraux.

Ce «monopole» en question les oblige toutefois à desservir tous les clients de la zone rurale visée, peu importe la grandeur du territoire et du nombre de clients. Mais en retour de cette obligation de services (téléphonie, Internet, mobilité), les petites télécoms bénéficient d'une subvention d'un fonds spécial du CRTC. Cette subvention comble l'écart entre le tarif réglementé pouvant être chargé au client et le coût réel du service de ladite ligne téléphonique.

Comme exemple, prenons un certain F. Pellerin, de Saint-Élie-de-Caxton. Si le tarif mensuel de sa ligne résidentielle lui coûte 25$ alors que Téléphone Milot doit en débourser 45$ pour le mettre en contact avec la planète, le CRTC verse à Milot une subvention de 20$. C'est ainsi que ça marche le téléphone dans plusieurs zones rurales et villages du Québec. Il faut dire que les grandes télécoms n'en avaient rien à cirer de ces petits marchés, vu l'obligation de desservir les territoires au complet.

Eh bien, c'est maintenant fini le «monopole» des PME dans les zones rurales. Les grandes télécoms vont pouvoir les concurrencer sans contrainte. Ainsi en a décidé le gouvernement Harper qui vient d'appuyer la controversée décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) visant à éliminer les monopoles au sein du marché canadien des services téléphoniques. Cette décision du CRTC avait été prise en mai 2011. Mais elle n'avait pas encore été mise en application en raison d'une vive contestation de la part des PME de la téléphonie locale qui sont visées.

Après le rejet de leur contestation juridique, les PME de la téléphonie locale viennent également de se faire rabrouer par le gouvernement Harper, leur dernier espoir.

Le 5 juillet dernier, le ministre de l'Industrie et ministre d'État (Agriculture), Christian Paradis, annonçait que le gouvernement Harper appuierait la décision du CRTC visant à éliminer les monopoles au sein du marché canadien des services téléphoniques.

«La politique de notre gouvernement, dit-il, a toujours été de favoriser la concurrence, de se fier au libre jeu du marché et d'offrir une variété de choix aux consommateurs. La décision du CRTC permettra aux Canadiens vivant en milieu rural d'avoir accès à un plus grand choix de services téléphoniques locaux.»

«En appuyant la décision du CRTC, ajoute le ministre Paradis, nous offrons aux Canadiens des régions rurales davantage de choix et un meilleur accès aux services de télécommunication, avantages dont profitent les Canadiens des villes depuis de nombreuses années, a souligné le ministre Paradis. L'offre de services concurrentiels favorise le développement économique et stimule l'innovation dans l'ensemble du pays.»

Selon Serge Désy, président de l'Association des compagnies de téléphone du Québec (ACTQ), au moins 13 000 abonnés des zones rurales du Québec risquent de se faire débrancher le téléphone et l'internet à haute vitesse au fil des prochains semestres.

Pourquoi? Parce qu'en permettant aux grandes télécoms de s'implanter dans lesdites zones, celles-ci ne vont s'intéresser qu'aux «gros clients» locaux, laissant ainsi les clients résidentiels aux petites télécoms.

Or, dit-il, la petite télécom qui va perdre ses «gros clients» risque tôt ou tard d'être condamnée à se liquider...

Autre décision du CRTC qui aura pour effet d'écourter la vie des petites télécoms locales: le CRTC les invite à hausser leurs tarifs mensuels jusqu'à 30$, soit environ 5$ de plus que le tarif actuel de la ligne résidentielle. Pourquoi? Afin de lui permettre de réduire de 5$ la subvention accordée en vertu du fonds spécial alloué au branchement téléphonique dans les zones de desserte à coûts élevés.

La petite télécom n'est pas obligée d'augmenter son tarif de 5$. Mais si elle ne le fait pas, elle subira un manque à gagner de 5$ étant donné la coupe du fonds d'un montant équivalent.

Quelque 240 personnes travaillent actuellement pour les neuf petites télécoms québécoises.

Leur job ne tient plus qu'à un fil!