En réaction à ma chronique «L'amiante, la fibre électorale de Charest», le porte-parole de Mine Jeffrey, Guy Versailles, dit ne pas comprendre le refus du gouvernement Charest de divulguer les conditions du fameux prêt de 58 millions de dollars qu'il lui a consentis en vue de relancer la mine d'Asbestos.

«C'est peut-être une règle générale qu'ils se donnent parce que, dans certains cas, je comprends que cela pourrait être une information stratégiquement sensible. Ce n'est pas notre cas.»

Quelles sont donc les conditions du prêt accordé par l'entremise du programme Interventions relatives au Fonds du développement économique du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation?

Versé par Investissement Québec, le prêt de 58 millions est d'une durée de huit ans. À quel taux d'intérêt est-il accordé? À un taux de 10%. Le prêt est garanti par une hypothèque de premier rang sur l'actif actuel et futur de Mine Jeffrey.

De plus, Mine Jeffrey versera annuellement des redevances de 1,5 million au gouvernement du Québec, pour un montant de quelque 25 millions.

Fait à noter: le prêt du gouvernement Charest était conditionnel à un investissement de 25 millions de dollars des nouveaux actionnaires de la mine, soit Mineral Fibre (MF) inc., de Montréal, dont les dirigeants sont Baljit S. Chadha et Bernard Coulombe, et un client partenaire asiatique.

Mine Jeffrey reste une entreprise sous contrôle québécois et canadien.

Autre condition imposée par Québec: «Investissement Québec doit approuver toute entente de rémunération des dirigeants [de Mine Jeffrey], tout versement de dividende et toute transaction des parts, explique M. Versailles. Investissement Québec a aussi le pouvoir de déléguer un observateur au conseil d'administration.»

Initialement, le gouvernement Charest devait accorder non pas un prêt, mais plutôt une garantie de prêt. Pour justifier le prêt, Québec a dit qu'il a agi de la sorte pour accélérer le processus de relance de Mine Jeffrey, rejetant d'un revers de main les allégations laissant entendre que Mine Jeffrey avait de la difficulté à trouver du financement auprès des banquiers.

Pourquoi Québec a-t-il accordé un prêt et non une garantie de prêt, ai-je demandé au porte-parole de Mine Jeffrey?

«C'est un investissement rentable et une bonne entente [de prêt] pour les deux parties. Nous avons négocié avec d'autres, mais, finalement, l'entente conclue avec le gouvernement représente la meilleure solution pour nous», précise Guy Versailles.

Il ajoute: «Nous ne nions pas non plus que la campagne effrénée d'opposition [à l'amiante] à laquelle se livre un lobby international exceptionnellement bien organisé et financé notamment par les lobbys juridiques américains ait pu influencer certains prêteurs potentiels.»

L'amiante est banni dans une cinquantaine de pays. Les opposants à la relance de Mine Jeffrey sont nombreux: des familles de travailleurs morts en raison de maladies liées à l'amiante, la Société canadienne du cancer, des médecins et des scientifiques, le PQ, Québec solidaire, le NPD, etc. Les opposants ne comprennent pas pourquoi le gouvernement Charest s'entête à défendre l'amiante et à financer la relance de la controversée mine d'amiante d'Asbestos.

«Le dossier n'est pas aussi simple que le laissent croire les opposants, rétorque M. Versailles. Et si une rectitude politique certaine qui est de mise dans l'univers de la santé publique relativement à ce dossier ne sévissait pas, les médias constateraient rapidement que le chrysotile, tout en posant des risques réels dont il faut tenir compte, n'est pas responsable de tous les ravages qu'on veut bien lui mettre sur le dos.»

Le porte-parole de Mine Jeffrey précise que le marché mondial de l'amiante est très fort.

«Devons-nous conclure que les gouvernements des pays utilisateurs sont ignorants ou incompétents? Qu'ils sacrifient allègrement la santé future de leurs populations?»

Chose certaine, défenseurs et opposants s'en donneront à pleins poumons au cours de la prochaine campagne électorale.