Voici le portrait-type que le chercheur américain Jack Levin, spécialiste de la violence meurtrière, dresse du père qui assassine ses enfants: «C'est généralement un homme d'âge moyen, que les voisins vont décrire comme un mari dévoué et un bon père. Il est assez souvent solitaire. Il a souffert d'une longue période de frustration et a une faible estime de soi. Puis il subit une perte catastrophique, financière ou amoureuse. Il ne déteste pas ses enfants mais souvent, il hait sa femme qu'il rend responsable de sa vie misérable.» Aux États-Unis, on appelle ces pères les «destructeurs de famille».    

Les premières informations relatives à Jocelyn Marcoux, qui a été trouvé mort hier matin en compagnie de ses deux enfants, à Warwick, laissent croire que l'homme correspondait d'assez près à ce portrait. Un père aimant. Un mari épuisé et frustré par un long combat judiciaire pour la garde des enfants. Un homme furieux contre son ex-conjointe. «Pour les pères, c'est officiel, si tu te fais pas justice toi-même, tu auras jamais justice», a écrit M. Marcoux sur sa page Facebook.

Au fil des ans, le père a emmagasiné une quantité sans cesse croissante de colère. Ses proches savaient sans doute que les choses allaient mal, mais de là à imaginer une aussi terrible explosion...

Comme la plupart des hommes en difficulté, M. Marcoux n'avait probablement pas envisagé demander de l'aide. Ce silence des destructeurs de famille rend la prévention particulièrement difficile.

Depuis l'affaire Turcotte, les Québécois sont plus sensibles que jamais à ces tragédies dans lesquelles les enfants paient pour les problèmes de leur(s) parent(s). Ici, toutefois, il n'y aura pas de procès. Aucun risque que Jocelyn Marcoux soit un jour libéré pour cause de non-responsabilité; contrairement à Guy Turcotte, l'homme de 47 ans a «réussi» son suicide.

Bien que ces drames soient de nos jours très médiatisés, ils sont en fait moins nombreux qu'avant. Au Canada, le taux d'enfants tués par un membre de leur famille a chuté de moitié au cours des 15 dernières années. Cela fait quand même une trentaine de jeunes victimes par année, en moyenne.

Dans la foulée de l'affaire Turcotte, le gouvernement du Québec a mandaté un comité d'experts pour lui proposer des mesures de prévention des homicides intrafamiliaux. Présidé par le professeur Gilles Tremblay, de l'Université Laval, le comité est à apporter la touche finale à son rapport.

Pourra-t-on mettre en place une stratégie de prévention aussi efficace que celle qui a permis d'abaisser le nombre de suicides au Québec? La tâche sera difficile. Le parent qui s'apprête à tuer ses enfants n'annonce pas son geste. Et pour cause: son crime - assassiner ses enfants par amour pour eux... - est à la fois le plus irrationnel et le plus révoltant qui soit.