Parodiant Yvon Deschamps, on a presque envie de demander: «Les bosons, qu'ossa donne?» Et on se doute que la réponse ne sera pas simple... Pourtant, la confirmation de l'existence de la «particule de Dieu» (un sobriquet que les scientifiques détestent parce qu'il n'a pas de sens) postulée en 1964 par Peter Higgs est un moment important de la quête scientifique.

On parle en effet du chaînon manquant dans l'univers des particules élémentaires. Et on compare l'importance de cette découverte à celle de l'ADN, la molécule de l'hérédité. «Je n'aurais jamais espéré voir cela de mon vivant», se réjouit Higgs, qui a maintenant 83 ans et aura attendu presque un demi-siècle pour voir sa vision confirmée.

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Depuis des décennies, la physique de l'infiniment petit comme celle de l'infiniment grand sont devenues des domaines de recherche tellement abstraits qu'ils ne font que mystifier le commun des mortels.

Ainsi, il peut paraître futile de savoir que le boson de Higgs est, selon les métaphores qu'on emploie pour le décrire, soit un indicateur de masse des autres particules élémentaires, soit la composante d'un «champ de massification» de ces mêmes particules.

Et l'étonnement est encore plus grand au su des moyens déployés pour traquer la petite bête. Le Grand collisionneur de hadron de Genève, qui désintègre les particules pour définir leur substance, est en effet une piste circulaire de 27 kilomètres enfouie sous terre, construite au coût de 6,5 milliards$CAN. Cette invraisemblable machine est considérée comme l'outil scientifique le plus sophistiqué de tous les temps.

Il y a deux choses à dire là-dessus.

Un. La recherche scientifique de pointe est désormais synonyme de gigantisme.

Le télescope Hubble a coûté 7,5 milliards, incluant réparations et entretien. L'exploration spatiale habitée est devenue hors de portée de quelque nation que ce soit, même des États-Unis. (Lesquels, soit dit en passant, ont renoncé à construire un nouveau collisionneur, effrayés par la facture!) L'avenir de la connaissance scientifique repose donc sur la mondialisation des moyens, cela dut-il heurter les sensibilités nationales et tenir du panier de crabes diplomatique.

Deux. Le seul véritable enjeu, ici, c'est la connaissance. Brute, pure, fondamentale, ayant valeur par elle-même.

Même bien intentionnées, même exactes, les tentatives de justification de cette débauche de moyens par les éventuelles retombées pratiques ratent complètement l'essentiel. Programmée dans l'ADN (on y revient...) de l'Homo sapiens, se trouve en effet une soif d'exploration et de découverte sans laquelle nous ne serions pas ce que nous sommes. En fait, nous ne serions rien du tout: seule notre capacité à récolter et emmagasiner la connaissance a épargné notre fragile espèce de l'extinction. Or, la science procure 99% du savoir humain.

C'est ça que ça donne, les bosons.