Bob Diamond, chef de la direction démissionnaire du groupe financier Barclays, a passé trois heures hier sous le feu nourri des critiques des députés britanniques. M. Diamond a beau avoir condamné à plusieurs reprises le comportement des courtiers de la banque ayant mené au «scandale du LIBOR», il n'a pas convaincu les élus que tout avait été fait pour y mettre un terme.

«Vous comprenez certainement combien les gens sont en colère. Vivez-vous dans un univers parallèle?», a lancé une députée conservatrice, irritée par le flegme du témoin. En effet, le banquier semblait avoir du mal à saisir pourquoi cette affaire avait soulevé un tel tollé, tollé qui lui a coûté son poste, de même qu'à deux autres membres de la haute direction.

À la suite d'une entente avec les autorités réglementaires anglaises et américaines, Barclays - l'une des plus grandes banques du monde - a admis qu'entre 2005 et 2009, certains de ses employés ont tenté de manipuler un taux d'intérêt de référence, le London InterBank Offered Rate (LIBOR). Le LIBOR et son cousin l'EURIBOR servent de base au calcul de taux dans de nombreuses transactions totalisant des milliers de milliards de dollars. La Banque a accepté de payer des amendes totalisant 460 millions.

Même si l'impact de ces manoeuvres sur le consommateur moyen est impossible à déterminer, et bien que très peu de gens aient entendu parler du LIBOR avant les derniers jours, la colère est vive au Royaume-Uni.

C'est que cette affaire s'ajoute à plusieurs autres, à commencer bien sûr par les abus qui ont mené à la crise de 2008-2009. De plus, les Britanniques ont appris qu'au fil des ans, les institutions financières du pays avaient vendu une assurance prêt à des centaines de milliers d'emprunteurs, à leur insu. Pire, l'assurance s'est révélée inadéquate pour ceux qui en ont eu besoin.

Déjà très impopulaire dans l'opinion en raison de sa rémunération considérable (33 millions l'an dernier), de ses origines américaines et de ses déclarations controversées, Bob Diamond était la personne la moins à même de convaincre les citoyens et les députés de la bonne foi de Barclays.

La controverse amènera sans doute les autorités britanniques à resserrer encore la réglementation de l'industrie financière. Toutefois, il n'est pas certain que la solution se trouve de ce côté. Il importe surtout que les règles et lois actuelles soient respectées et que ceux qui les transgressent soient punis.

À cet égard, ce qui arrive à Barclays est peut-être révélateur d'un changement. Non seulement la banque a-t-elle payé des amendes importantes - qu'elle peut facilement absorber, évidemment - mais la colère publique a coûté leur emploi à ses trois principaux dirigeants, dont M. Diamond, pas le genre d'homme à céder à la pression. Apparemment, l'«univers parallèle» des banquiers est moins imperméable qu'il ne l'était avant la crise.