Alors, elle est «négative» ou non, la publicité du Parti libéral du Québec (PLQ) sur Pauline Marois et les casseroles?

Voilà un débat oiseux, entretenu sur les réseaux sociaux par les «spinneux» libéraux eux-mêmes, qui se défendent bien de faire de la pub négative en affirmant qu'ils ne font que reprendre des images connues de la chef péquiste sans y ajouter quelque commentaire que ce soit.

Vrai, ces images existaient et étaient même disponibles sur des sites du Parti québécois (PQ), mais elles n'ont pas été largement diffusées et le PLQ les a «arrangées» aux fins de sa pub: ralenti, ce qui accentue une mimique peu flatteuse de Mme Marois, monochrome pour faire glauque et avec le logo du PLQ en conclusion.

Comme me le disait mardi un des meilleurs publicitaires de Montréal, c'est du «négatif soft, mais le Parti libéral n'a pas monté cette pub pour faire la promotion de Mme Marois, c'est évident». Non, en effet, et le message que lance cette pub est le même que celui défini dans le plan de campagne de Jean Charest: Pauline Marois, c'est la rue, les casseroles, le carré rouge et la perturbation. Pas besoin d'en rajouter: les électeurs qui sont contre les casseroles ou qui en ont marre des manifs comprendront le message.

Bien sûr qu'il s'agit d'une publicité négative. Négative «light». On est loin ici du fameux spot «Daisy», diffusé une seule fois en 1964 et qui laissait entendre que le candidat républicain à la présidence, Barry Goldwater, représentait un danger de guerre nucléaire. Loin des pubs délirantes du camp McCain contre Obama en 2008 et même très loin de ce à quoi nous ont habitués les conservateurs de Stephen Harper contre Stéphane Dion, Michael Ignatieff, Jack Layton, Gilles Duceppe et, maintenant, Thomas Mulcair.

Contrairement à ce que certains pensent (et à ce que les libéraux veulent nous faire croire), une pub négative n'est pas nécessairement un message présentant une version déformée ou exagérée de la réalité ou qui fabrique carrément des faits pour embarrasser un adversaire. Au contraire, tous les spécialistes des campagnes négatives (Karl Rove, «cerveau» de W Bush, notamment) affirment qu'une campagne négative efficace doit respecter les faits, ne pas tomber dans les insultes ou les insinuations douteuses et doit éviter de trop en mettre. C'est précisément ce que fait la pub «Pauline-aux-casseroles» et je dois dire qu'elle est particulièrement réussie. Comme l'était celle des conservateurs contre Stéphane Dion, la fameuse campagne «Not a leader», dans laquelle on reprenait simplement un échange en débat entre Michael Ignatieff et Stéphane Dion. M. Ignatieff reprochait alors aux précédents gouvernements libéraux d'avoir échoué en environnement, ce à quoi répondait M. Dion: «C'est injuste» et la fameuse phrase malheureuse: «Vous pensez que c'est facile de définir des priorités?» Du bonbon pour les conservateurs qui ont fait tourner cet échange en boucle une fois que M. Dion est devenu chef du Parti libéral du Canada.

Même chose pour Bush contre Kerry en 2004, lorsque les républicains avaient simplement repris les votes contradictoires du démocrate au Congrès (la campagne des swift boats, produite par une tierce partie, était toutefois beaucoup plus vicieuse).

La publicité négative, c'est de la nitroglycérine politique: très efficace quand elle saute au bon endroit, mais il faut toujours la manipuler avec précaution pour éviter qu'elle ne nous explose au visage. Ajoutez à cela que les Québécois, historiquement, n'ont jamais été friands de ce genre de campagne, ce qui explique les efforts des libéraux pour nous convaincre qu'il ne s'agit pas d'une pub négative.

Dans les années 70, les péquistes de René Lévesque, qui affrontaient l'impopulaire Robert Bourassa, avaient songé à recourir aux messages négatifs, mais tous les «focus groups» avaient démontré que les électeurs, quoique pas très sympathiques au premier ministre libéral, désapprouvaient cette approche.

Systématique aux États-Unis (et chez les conservateurs de Stephen Harper), le recours à la pub négative reste l'exception au Québec. Le PQ, on l'a oublié, a aussi produit une pub très négative contre le PLQ l'an dernier (tapez «Changeons la politique» sur YouTube).

Ce qui est exceptionnel, aussi, c'est de voir le parti au pouvoir se payer deux publicités électorales en été, période de cessez-le-feu politique, en temps normal, au Québec. Mais nous ne sommes pas en temps «normal». Nous sommes en période de grandes tensions sociales (ça se voit dans les pubs, dans la rue et sur les réseaux sociaux) et à quelques semaines du déclenchement d'une campagne électorale.

Certains me conseillent même ces jours-ci de devancer mes vacances pour être reposé en vue d'un scrutin avant le 17 septembre.