Lucian Bute n'a pas été protégé depuis le début de sa carrière par Stéphan Larouche et InterBox. Il a été préparé.

J'en entends dire que protéger et préparer c'est la même maudite affaire. La réponse est non. Il y a une nuance. Et même si la boxe est dure, parfois brutale, voire bestiale comme c'était le cas dans la nuit de samedi à hier à Nottingham, où Lucian a mangé une «simonac» de volée aux poings de Carl Froch, la boxe est aussi tout en nuances.

Si tu as peur de ton adversaire quand tu montes dans l'arène tu es battu d'avance. J'ai encore, fraîches en mémoires, les images de Stéphane Ouellet qui avait des allures de condamné avant ses combats l'opposant à Davey Hilton en novembre 1998 et mai 1999. Combats que Ouellet a perdus.

Inversement, pour maximiser tes chances de victoire, tu dois avoir peur de perdre. Mais voilà: pour avoir vraiment peur de perdre, il faut avoir perdu.

Les exemples sont nombreux. Je vous propose celui d'Éric Lucas qui a mis Glen «le batailleur de rue» Catley hors de combat au Centre Bell en juillet 2001 après qu'il eut perdu aux mains du bulldog anglais 18 mois plus tôt.

Bute n'avait pas peur de Carl Froch samedi. J'en suis convaincu. Il est clair également que Carl Froch était loin de craindre Lucian Bute.

Il était tout aussi clair que Carl Froch avait bien plus peur de perdre que Lucian Bute. Froch redoutait l'humiliation d'un revers encaissé devant ses parents, ses amis, ses fans. Des gens qu'il aurait été condamné à croiser en tant que perdant dans les rues de sa ville pour le reste de ses jours. Parce qu'après une troisième défaite, Froch aurait mis un terme à sa carrière, comme il l'a indiqué dans ses commentaires d'après combat.

Bute? À moins que la défaite de samedi ait anéanti à jamais sa confiance et qu'il se mette à craindre ses prochains adversaires, cette défaite n'était qu'une étape.

Bute: humain après tout

Lucian a souffert physiquement samedi. Il souffrira émotivement au cours des prochaines semaines qu'il passera en Roumanie. Mais il est nettement exagéré de croire que la raclée encaissée à Nottingham mettra un terme à sa carrière.

Bute retournera dans l'arène parce que c'est un boxeur. Un excellent boxeur. Peut-être pas le grand des grands que les amateurs de boxe prétendaient qu'il était avant sa première défaite. Avant qu'il ne démontre qu'il est humain après tout.

Et c'est lors de ce retour que tout le bienfait relié à la défaite de samedi servira Bute. Car la prochaine fois, il aura peur de perdre. Et cette crainte lorsqu'elle est bien canalisée vaut bien des rondes d'entraînement, des hydrates de carbone, des potions magiques en bouteille.

Larouche a sauvé son boxeur

Carl Froch, que je savais puissant cogneur, solide encaisseur et déterminé boxeur, m'a impressionné.

Stéphan Larouche m'a impressionné plus encore.

Grâce au microphone installé dans le coin québécois, on pouvait boire les paroles de Larouche pendant que son boxeur buvait de l'eau entre les rounds. Après avoir défilé les conseils d'usage sur les plans technique et stratégique à Bute après les premier et deuxième assauts, Larouche a parlé à Lucian au terme du troisième.

«Réalises-tu que tu en en train de te faire knocker», que Larouche a demandé.

Certains diront que Bute avait alors besoin de se faire rassurer et non de se faire décourager. Foutaise! Bute avait besoin d'être réveillé.

C'est toutefois avant l'assaut final que Larouche m'a le plus impressionné. Il savait le combat fini. Perdu. Au lieu de parler à son boxeur, il a alors parlé à son ami. «Je te donne une minute», que Larouche a dit, annonçant son intention de lancer la serviette.

Il n'y a rien de plus humiliant pour un boxeur que de voir son coin lancer la serviette. Mais des fois, c'est ce que ça prend pour sauver la vie du boxeur qui ne sait pas à quel point il est en danger. Et dans la nuit de samedi à hier, Bute était vraiment en danger.

Fort heureusement pour l'équipe Bute, l'arbitre a mis fin au combat. Larouche a ainsi pu garder la serviette sur son épaule. Mais le simple fait de savoir qu'il était prêt à la lancer témoigne du fait que Bute a toujours été bien encadré. Qu'il a toujours été bien préparé. Que la défaite de samedi n'est qu'une étape de plus pour faire passer Bute du rang de champion à celui de grand champion. S'il revient bien sûr. Et il reviendra...

Photo: AP

Stéphan Larouche (à droite) était prêt à lancer la serviette. Il n'a pas eu besoin de le faire, l'arbitre mettant lui-même fin au combat.