Ça fait pas mal de temps qu'on savait qu'il n'y aurait pas de solution élégante au conflit étudiant, qu'on ne s'en sortirait pas sans casser des oeufs, parce que le conflit avait trop duré, qu'il avait atteint un point de non-retour.

Il était de plus en plus clair qu'il n'y avait que deux avenues possibles. Soit le gouvernement Charest imposait son projet par la force, ce qu'il fait avec sa loi spéciale, soit il acceptait d'abandonner son projet de hausser les droits de scolarité.

La loi spéciale n'a rien de réjouissant. C'est une méthode brutale, qu'on souhaiterait pouvoir éviter, dont les résultats ne sont pas garantis. La loi ne fait que reporter le problème à plus tard, en août, au moment du retour en classe, en espérant que les deux mois d'été aient permis aux esprits de se refroidir.

Mais il fallait trouver une façon de sortir de l'impasse. Rétrospectivement, ce constat aurait dû être fait plus tôt. Il y aurait eu moins de désordre, moins de perturbations des trimestres, et peut-être moins de découragement chez les étudiants plus militants dont les attentes ont augmenté avec le nombre de semaines de boycottage.

Tous ceux qui plaidaient pour une troisième voie, celle de la négociation et du dialogue, se sont en général bien gardés de dire ce qu'il fallait négocier, quelle solution de compromis pourrait émerger de ces discussions. J'ai suivi ce dossier de très près, j'ai écouté les porte-parole étudiants et tenté de décoder ce qu'ils disaient, et jamais je n'ai vu le moindre signal, même timide, qu'ils accepteraient une hausse.

Toutes les pistes de solutions que les associations ont évoquées revenaient à demander au gouvernement d'abandonner son projet d'une façon ou d'une autre. Pas de réduire l'ampleur des hausses, comme dans une négociation normale, mais bien de les abandonner.

Que ce soit un moratoire, le gouvernement suspendant les hausses jusqu'à des États généraux pendant lesquels le débat public le forcerait à reculer, ou jusqu'à des élections où un PQ victorieux enverrait le projet libéral aux poubelles.

Que ce soit la création d'un comité provisoire qui examinerait les dépenses des universités; les étudiants étaient persuadés que l'élimination du gaspillage rendrait les hausses inutiles et réclamaient des «clarifications» à cet effet.

Pourquoi le gouvernement aurait-il dû céder? Sur le fond, son projet est modéré, appuyé par de très nombreuses études, conçu pour donner un souffle aux universités. Il ne fait évidemment pas consensus, mais il est appuyé par une solide majorité de la population. Pourquoi alors reculer? Pour éviter la violence. Et en fin de compte, parce que les étudiants ne veulent pas.

Et cela se ramène à une réflexion sur la démocratie. Est-il antidémocratique d'imposer une décision à un groupe de la population qui n'est pas d'accord? Ce n'est d'ailleurs pas une décision contre la jeunesse, comme on le dit dans ce climat propice aux hyperboles, mais contre le 30% des étudiants qui ont choisi de faire une croisade de cet enjeu.

La démocratie, ce n'est pas un système où ceux qui ont gain de cause sont ceux qui ont le temps, l'énergie et la passion pour aller dans la rue. Dans une démocratie, il y a des institutions qui décident, et des mécanismes qui permettent de faire des choix, parfois de déplaire, parfois de dire non. C'est le rôle d'un gouvernement élu.

Et dans le cas qui nous occupe, parce que ce choix a été approuvé par l'Assemblée nationale, qu'il est appuyé par une grande majorité de la population, et qu'il ne suscite une vive opposition que dans une portion minoritaire du monde étudiant, le gouvernement a la légitimité nécessaire pour l'imposer. Au nom de la légitimité de l'État.