Il était environ 8h le 18 juillet dernier, à Ponde Vedra, dans le nord de la Floride, lorsque j'ai entendu une voix.

Parti 45 minutes plus tôt d'un petit motel bordant l'autoroute 95, je remontais la côte sans vraiment savoir où j'allais. Les reflets du soleil sur l'Atlantique qui apparaissait à ma droite, entre les grosses et très grosses villas bordant la mer, valaient à eux seuls le détour.

C'était beau, oui. Mais ce n'était pas assez. Je cherchais Sawgrass, légendaire terrain où se déroule en fin de semaine le Championnat des joueurs de la PGA.

Sans GPS pour me guider, je me fiais aux dieux du golf pour me mener aux portes de ce terrain mythique. Ils ne m'ont pas déçu. Car tout juste avant que le feu rouge ne passe au vert, cette voix m'a invité à tourner à gauche.

Trois minutes plus tard, j'étais devant le château autour duquel Pete Dye a transformé, en 1980, des marécages infestés de serpents en haut lieu du golf.

Parce qu'une pluie abondante avait balayé le nord de la Floride au cours de la nuit, je me disais qu'il serait impossible d'affronter ce terrain et particulièrement le 17e trou. La normale 3 la plus connue sur la planète golf avec son vert qui se limite à une petite île et une toute petite fosse de sable blanc.

J'étais heureusement dans l'erreur. Car en ce beau lundi matin, le préposé à l'accueil m'a lancé: «À 9h30, ça vous va?», lorsque je lui ai demandé s'il était possible d'avoir un temps de départ.

Sans même prendre le temps de demander ce qu'il fallait payer pour le droit de jeu (275$) et le cadet (50$ plus pourboire) qui allait m'aider à éviter - ou à tenter de le faire - les pièges minant les allées de Sawgrass, j'étais allé à la voiture et revenu l'oeil pétillant, chaussures aux pieds, bâtons sur l'épaule.

Beau et terrifiant

De l'allée des champions que l'on emprunte pour se rendre au terrain, au chalet, au champ de pratique bordé des drapeaux de tous les pays d'origine des joueurs invités à prendre part au Players, tout est beau à Sawgrass.

Sans oublier les trous. Le 17e bien sûr avec sa petite île, le lac qui l'entoure et qui avale chaque jour des dizaines, voire des centaines de balles et qui, année après année, détruit les rêves des meilleurs golfeurs du monde qui deviennent soudainement de simples mortels lorsqu'ils se mesurent à lui. Parlez-en à l'Argentin Angel Cabrera. Malgré 46 victoires sur les circuits professionnels et 2 titres majeurs - Masters en 2009 et US Open en 2007 -, Angel a eu besoin de neuf coups pour terminer le 17e jeudi (trois balles à l'eau) lors de la première ronde du Players. Il ne s'en est pas remis, et a déclaré forfait pour des raisons personnelles quelques minutes plus tard...

Le lac ceinturant le 17e a avalé 18 balles jeudi. Il en a avalé 11 autres hier. Il en avalera encore plusieurs aujourd'hui et demain au cours de la ronde finale.

Mais quand on a la chance, le privilège, le bonheur de disputer une ronde de golf à Sawgrass, on se rend vite compte qu'au-delà du 17e trou, les 17 autres sont tout aussi beaux. Certains sont aussi beaucoup plus terrifiants.

À quel point Sawgrass est-il difficile?

Champion l'an dernier, K.J. Choi n'a pas atteint les rondes finales. C'est la troisième année de suite que le champion en titre est évincé des rondes finales. Ce n'est donc pas cette année que Sawgrass sera dominé par le même champion deux ans de suite.

Malgré leur immense talent et leurs nerfs d'acier, Rory McElroy, Graeme McDowell et Louis Oosthuizen, pour ne nommer que ceux-là, sont aussi rentrés à la maison après deux rondes.

Tout en courbes et en nuances

S'il menotte ainsi les meilleurs golfeurs du monde, imaginez les leçons d'humilité que Sawgrass réserve aux amateurs qui lui lancent des défis sur une base quotidienne.

Les difficultés commencent dès le premier trou, alors que l'allée est coupée en deux en raison d'un lac creusé dans la zone d'atterrissage des coups de départ des amateurs.

Mais ce n'est qu'un début. Car jusqu'à la fin, Sawgrass nous attend dans le détour. Les allées tournent à gauche ici. Elles tournent à droite là-bas. Sans oublier les arbres qui bloquent le ciel et l'herbe longue à éviter à tout prix qui obligent les golfeurs à guider leurs coups de départ s'ils veulent s'offrir une chance d'atteindre le vert en coups réglementaires. Et une fois sur les verts, le «plaisir» commence...

Je vous ferai grâce du nombre de coups que j'ai joués. Je me limiterai à dire que j'ai réussi un aigle sur le 11e trou. Une normale cinq. Un aigle chanceux alors que mon coup d'approche s'est retrouvé au fond de la coupe.

Au 17e? J'ai atteint le vert avec un fer 8 (145 verges) de l'endroit où nous étions sur tertre, un premier roulé prudent, suivi d'un autre de 12 pouces pour inscrire fièrement un 3 mémorable sur la carte.

Mais comme tous ceux qui croient la ronde terminée en quittant le vert du 17e, j'ai appris à mes dépens que le 18e et dernier trou est le plus difficile du parcours. Et de loin. Les rondes finales d'aujourd'hui et de demain devraient d'ailleurs le prouver.

En attendant le vainqueur de la série Rangers-Capitals, ce soir au Madison Square Garden, bon golf!