On sait depuis longtemps que le Canadien a commis une erreur bête, grave, monstrueuse en cédant Ryan McDonagh aux Rangers en retour de Scott Gomez.

Les performances des deux joueurs en saison régulière ont permis de le rappeler souvent. Très souvent. Trop souvent au goût de l'état major du Tricolore et des partisans qui préféreraient effacer ce triste souvenir de leur mémoire.

Il vaudrait mieux qu'ils s'y fassent. Car à la lumière de ce que le défenseur de 22 ans accomplit en séries éliminatoires, les critiques et/ou mauvaises blagues reliées au fait que McDonagh aurait pu faire carrière à Montréal et non à New York prendront des allures de supplice de la goutte tellement le Canadien les entendra souvent au cours des cinq, dix, quinze prochaines années.

Dire que McDonagh est bon ne rend pas justice à la qualité de son jeu. À la stature de vétéran qu'il affiche en dépit du fait qu'il ne compte que 140 matchs d'expérience dans la LNH, dont 18 seulement en séries éliminatoires.

Ascension rapide

Pourquoi partir en peur comme ça avec un défenseur qui ne revendique qu'une passe et un différentiel de -4 depuis le début des séries?

Parce que les points ne sont pas sa responsabilité. Du moins, pas encore. Dan Girardi (1 but, 7 points), Michael Del Zotto (1 but, 6 points), Anton Stralman (3 buts, 5 points) et Marc Staal (2 buts, 5 points) s'occupent de ce volet.

Ça ne veut pas dire que McDonagh joue dans l'ombre des autres. Ça non! Sa moyenne d'utilisation de 27 min 17 sec par match - seul son partenaire Dan Girardi avec 27 min 49 sec le devance - ses 36 tirs bloqués, ses 24 mises en échec et ses 13 rondelles volées à l'adversaire - un sommet chez les défenseurs des Rangers - en témoignent de façon éloquente.

Tout comme sa soirée de 60 présences totalisant 53 min 17 sec lors du troisième match de la série Rangers-Capitals qui s'est décidé en troisième période de prolongation.

«Il aurait pu en prendre encore, a lancé le vétéran Mike Rupp qui, comme tous ses coéquipiers des Rangers, est impressionné par McDonagh. «Mac» fait partie de cette race de joueurs qui jouent 30 minutes et qui n'ont pas les cheveux mouillés lorsqu'on rentre au vestiaire après un match. C'est frustrant pour les autres, comme moi, qui sont morts autour de lui. «Mac» est un naturel. Je crois que c'est la meilleure façon de le décrire.»

Sous l'aile de Girardi

Ryan McDonagh ne devait pas se retrouver au sein du premier duo de défenseurs des Rangers cette année. La commotion cérébrale qui a lourdement handicapé Marc Staal au camp d'entraînement a changé la donne. Car c'est lui qui s'est retrouvé à la gauche de Dan Girardi.

Le parrainage de l'as défenseur a certainement aidé McDonagh. Croisé dans le vestiaire des Rangers mercredi, à Washington, Girardi assurait toutefois bénéficier autant de son jeune partenaire que celui-ci profite de son expérience.

«Il a toutes les qualités. Son coup de patin est toutefois sa meilleure arme. Il est tellement explosif qu'il surprend les adversaires en les interceptant dans notre zone alors qu'ils ne l'attendaient pas. Dans l'autre sens, il a la capacité de se joindre à l'attaque en deux ou trois enjambées», a témoigné Girardi.

Assis au bout du banc des Rangers, Martin Biron a été un témoin privilégié de l'ascension rapide de McDonagh.

«Il a un talent fou, mais c'est son attitude qui m'impressionne le plus. Comme tout le monde, il lui arrive de commettre des erreurs. Quand ça arrive, il n'a pas la tête entre les jambes une fois au banc. Au contraire. Il est en maudit. Tu devrais entendre ce qu'il se dit. Et quand il retourne sur la glace, il prend les moyens pour se racheter», indique Biron qui tient toutefois à donner à Dan Girardi, un crédit que le vétéran défenseur refuse de s'approprier.

«Dan est l'un des défenseurs les plus sous-estimés de la Ligue. Ça n'a pas de sens à quel point il est bon. Pour faire une comparaison que les fans du Canadien comprendront, il est comme Andrei Markov. Il rend les autres meilleurs autour de lui. Il contrôle le jeu sans être spectaculaire. Sous le radar. Sans que ça paraisse. Après avoir aidé Staal l'an dernier, Dan fait la même chose avec «Mac» cette année. Les deux ont su en profiter.»

Iginla-Nieuwendyk

Échanger un jeune joueur, aussi prometteur soit-il, n'est pas nécessairement une erreur. Bob Gainey lui-même l'a prouvé le 19 décembre 1995 en cédant Jarome Iginla aux Flames de Calgary en retour de Joe Nieuwendyk.

Iginla venait d'être repêché en première ronde (11e sélection) par les Stars. Juste comme ça en passant, le Canadien avait repêché Terry Ryan avec la huitième sélection...

Quinze saisons plus tard, Iginla a disputé 1188 matchs dans l'uniforme des Flames avec qui il a marqué 516 buts, amassé 1073 points. Des statistiques magistrales, accompagnées de trophées individuels auxquels il ne manque qu'une Coupe Stanley.

Nieuwendyk n'a disputé que 442 matchs en pas tout à fait 7 saisons à Dallas. Il a marqué 178 buts, récolté 340. Mais Nieuwendyk a été un acteur de premier plan dans la conquête de la Coupe Stanley des Stars en 1999.

Dix-sept ans plus tard, cette décision a valu à Bob Gainey un poste de conseiller à Joe Nieuwendyk, le DG des Stars à Dallas. Un genre de remerciement pour faveurs obtenues.

Si jamais Bob Gainey reçoit un cadeau en marge de la transaction qui a envoyé Ryan McDonagh, Christopher Higgins et Pavel Valentenko aux Rangers en retour de Scott Gomez, son lourd contrat et Tom Pyatt, il viendra de New York. Certainement pas de Montréal...