Je n'ai pas la prétention d'avoir une solution miracle pour régler le lancinant conflit entre Québec et les étudiants, mais pour y arriver, il serait plus que temps que les gros ego s'effacent au profit d'une vraie négo.

> En graphique: le vote des étudiants sur l'entente

Après 12 semaines de perturbation, comment est-il possible que les deux parties, et leurs supporteurs respectifs, en soient encore à se rejeter mutuellement le blâme de ce fiasco lamentable?

Je pense évidemment à la sortie tonitruante du député libéral d'Orford, Pierre Reid, ancien recteur de l'Université de Sherbrooke et brièvement ministre de l'Éducation dans Charest 1.

Je pense aussi au ton revanchard de Jean Charest, ces derniers jours, qui a lourdement insisté sur les torts des leaders étudiants, ciblant au passage Gabriel Nadeau-Dubois, l'ennemi public numéro un du gouvernement libéral. Dimanche, au lendemain de la conclusion d'une entente de principe et au surlendemain de l'émeute sanglante de Victoriaville, nous espérions un chef d'État. Nous avons eu le chef du Parti libéral.

Nous espérions aussi des leaders étudiants sereins et déterminés, après un marathon de négociation à Québec, à utiliser l'entente de principe au bas de laquelle ils ont apposé leur signature pour mettre fin à cette grève. Depuis deux jours, nous avons plutôt droit à des porte-parole confus et exsangues, visiblement dépassés et affirmant s'être fait avoir par la partie adverse.

Coincés dans leur propre piège, ils ont gravement exagéré la réaction du gouvernement dans leurs déclarations, dénonçant à tout vent le «triomphalisme» de Jean Charest et de Line Beauchamp.

J'étais à Victoriaville durant la fin de semaine, et là où certains ont vu du triomphalisme, j'ai plutôt vu de la confusion et de l'exaspération. Confusion chez les militants et les députés libéraux, qui n'étaient pas trop sûrs de comprendre cette entente de principe, et exaspération dans l'entourage du premier ministre et de sa ministre de l'Éducation.

«J'hallucine! m'a lancé samedi soir un conseiller libéral très près des négos de la fin de semaine. Les leaders étudiants sont en conférence de presse et ils parlent de moratoire, de gel des droits de scolarité, alors qu'il n'a jamais été question de ça autour de la table!» Je censure ici volontairement l'envolée verbale de ce conseiller pour ne pas offenser les lecteurs, mais disons que le ton et les mots en disaient long sur la relation pourrie entre Québec et les leaders étudiants.

En rappelant dans toutes leurs entrevues que les étudiants étaient responsables de l'enlisement du conflit et que c'était maintenant à eux de trouver les économies dans le budget des universités, Jean Charest et Line Beauchamp n'ont fait que braquer les étudiants.

Dimanche, nous espérions un père de famille qui appelle au retour au calme dans la maison. Nous avons eu un préfet de discipline qui distribuait les blâmes aux contestataires.

Cela dit, les leaders étudiants ont bel et bien signé cette entente de principe. Ils ont même vanté, samedi soir, les mérites de cette solution bancale, qui, à l'évidence, était très loin de leurs revendications. Ce n'était pas très brillant de leur part d'essayer de faire dire à cette entente ce qu'elle ne disait pas en parlant de moratoire et de gel.

Après plus de 80 jours de perturbation, nous sommes toujours en face de deux parties plus préoccupées d'avoir raison que de trouver une solution.

Au point où on en est, la solution la plus raisonnable passerait sans doute par un moratoire sur la hausse, des états généraux à l'automne menant à un plan à long terme décidé par un large consensus. Ça vaudrait mieux qu'un mécanisme boiteux décidé à la hâte à minuit moins une entre deux parties à couteaux tirés sur fond de rancoeur, d'accusations personnelles et de violence dans les rues.

Mais cela n'arrivera pas parce le mot moratoire est maintenant entré dans le vocabulaire électoral de Jean Charest et est devenu synonyme, dans sa bouche, d'échec, de démission et de recul de la chef péquiste, Pauline Marois.

Toute la fin de semaine dernière, à Victoriaville, Jean Charest a associé ce mot à Mme Marois, allant jusqu'à dire qu'elle veut imposer un moratoire sur l'avenir du Québec. Par ailleurs, ses militants, ses députés, ses organisateurs et la direction de son parti ont imploré le chef libéral de ne pas reculer devant les étudiants. Il ne faut surtout pas reculer, surtout pas perdre la face. Nous voilà bien avancés.

Police, manifs, soins intensifs...

Après ce qu'on a vu à Victoriaville (et dans plusieurs manifs depuis trois mois), bien des gens se posent des questions sur le travail de la police, sur la présence de casseurs, sur les débordements.

Depuis quelques jours, des textes et des photos détaillant l'arsenal antiémeute de la police provoquent bien des débats dans les réseaux sociaux.

Dimanche, à Victoriaville, Jean Charest n'a pas apprécié qu'un collègue lui parle du travail des forces de l'ordre. Si j'ai bien compris sa réponse, si on pose des questions sur le travail de la police, c'est qu'on est du bord des casseurs.

Personne (à part les casseurs eux-mêmes) n'approuve la provocation et la violence des têtes brûlées qui prennent apparemment leur pied quand les manifs dégénèrent.

Il est parfaitement détestable, dans une démocratie, qu'un parti politique ne puisse se réunir sans être protégé par l'antiémeute, par des blindés et des hélicoptères, mais il n'est pas plus acceptable que des manifestants pacifiques se fassent éborgner ou, pire, se retrouvent à l'hôpital entre la vie et la mort.

L'évaluation du travail policier ne peut se faire uniquement dans les réseaux sociaux. Cette tâche revient à une instance indépendante.