Les diseurs de bonne aventure de la Bourse avaient annoncé une correction, au lendemain des élections tenues en France et en Grèce.

En France, les socialistes ont repris la présidence pour la deuxième fois de leur histoire, mettant fin à leur traversée du désert de 17 ans. En Grèce, les électeurs ont divisé leur vote entre partis opposés à l'austérité, de sorte que la formation d'un gouvernement de coalition stable ressemble à une mission impossible.

Mais si l'indice phare de la Bourse d'Athènes a chuté de 6,7% hier, plusieurs des grandes places boursières d'Europe ont progressé. Cette résistance s'est même transposée de ce côté-ci de l'Atlantique, où les principaux indices nord-américains ont tenu le coup. De commotion, il n'y a pas eu.

Comment expliquer cette réaction tempérée? D'une part, l'élection de François Hollande ne représente pas une grande surprise. Les sondages l'anticipaient depuis une semaine.

D'autre part, le président élu compte rencontrer à la première occasion la chancelière allemande, Angela Merkel, la grande alliée de son rival à la présidence Nicolas Sarkozy. Cet empressement a calmé les inquiétudes de ceux qui craignent un schisme entre les deux puissances européennes qui ont dicté la rigueur budgétaire aux pays les plus endettés d'Europe.

François Hollande ne cache pas ses couleurs pour autant. «L'austérité n'est plus une fatalité pour l'Europe», a-t-il annoncé dans son discours de victoire de dimanche. Le candidat socialiste s'est fait élire en promettant d'adjoindre au pacte budgétaire européen des mesures favorisant la croissance économique. Ce à quoi Berlin s'oppose farouchement.

De plus en plus d'Européens adhèrent toutefois à cette idée, après deux années de coupes draconiennes et d'autres à venir. Les partisans de l'austérité pure et dure sont de moins en moins nombreux avec les pays d'Europe qui rechutent. Le Royaume-Uni est le dernier pays à avoir replongé en récession technique. Conséquence, le chômage en Europe atteint des proportions endémiques, en particulier chez les jeunes.

Rares sont ceux qui croient encore que les mesures d'austérité redonnent confiance et incitent les entreprises à investir.

Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, a réitéré hier que les mesures d'austérité et la croissance n'ont pas à se trouver en opposition. Si les gouvernements doivent se doter d'un plan rigoureux pour éliminer leur déficit à moyen terme, à court terme, ils doivent veiller à ne pas aggraver le ralentissement de l'économie avec des mesures d'une sévérité contreproductive. «Il est essentiel de trouver la bonne cadence», a dit cette ancienne ministre de l'Économie sous Nicolas Sarkozy.

Comme pour les régimes amaigrissants, le jeûne complet n'est peut-être pas la façon la plus saine de perdre du poids!

À la fin, toutefois, François Hollande ne fait que reporter d'une année l'atteinte du déficit zéro, en 2017 plutôt qu'en 2016, comme le prévoyait son prédécesseur.

Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle l'élection de «monsieur Normal» n'émeut pas tant que cela. Comme président socialiste, François Hollande n'est peut-être pas aussi dangereux («rather dangerous») que la revue The Economist voudrait le faire croire à ses lecteurs.

Par exemple, on a fait grand cas de sa promesse électorale d'embaucher 60 000 enseignants additionnels sur cinq ans. Mais comme ce politicien de 57 ans s'est aussi engagé à ne pas augmenter le nombre total de fonctionnaires, il devra supprimer autant de postes dans l'administration.

De la même façon, François Hollande s'est engagé à créer 150 000 «emplois d'avenir» pour les jeunes, en priorité dans les quartiers populaires. Or, il s'agit d'un chiffre révisé de moitié par rapport à l'engagement contenu dans le programme du Parti socialiste (PS), Hollande n'ayant pas voulu paraître trop dépensier.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul cas où François Hollande a pris ses distances avec son parti, selon une analyse du magazine Le Point.

Par exemple, François Hollande s'est engagé à réclamer le remboursement des subventions et autres aides publiques aux entreprises qui délocalisent leurs activités à l'extérieur du pays. Or, le programme du PS prévoyait le remboursement de l'aide publique pour toute entreprise qui effectue des licenciements massifs. Cette différence d'approche est importante dans ce pays où il est difficile de remercier des employés, même quand la survie de l'entreprise est en jeu.

Bien sûr, François Hollande a joué une carte électoraliste en promettant de taxer plus lourdement les plus riches. Mais seule une infime minorité de Français seront touchés par l'impôt qui captera 75% des revenus de plus de 1 million d'euros par année.

Le président élu compte aussi mettre l'industrie bancaire au pas. Outre un plafonnement des frais bancaires, une idée repiquée à son ex-conjointe Ségolène Royal, François Hollande s'est engagé à détacher les activités d'investissement des activités bancaires traditionnelles et à limiter les pratiques spéculatives. Or, cette réforme à venir s'annonce assez similaire à celle que le Royaume-Uni est à imposer à la City. Difficile, dans ce cas, d'accoler à François Hollande une étiquette antibusiness.

Ce qui est tout à fait exact, c'est que François Hollande ne tient pas le discours de la «création de la richesse». Autant il souhaite remettre la croissance à l'agenda, autant il est silencieux sur les coûts élevés de la main-d'oeuvre en France et les règles étouffantes qui encadrent les relations de travail. Cela dit, Nicolas Sarkozy ne s'est pas beaucoup distingué par ses réformes à cet égard.

Dangereux, François Hollande? Disons que si d'aventure, il lui venait une «folle idée socialiste», les négociateurs d'obligations le rappelleraient vite à l'ordre en poussant les taux d'intérêt sur la dette de la France à la hausse. Le pays ayant déjà perdu sa note parfaite triple A, la marge de manoeuvre est très étroite.

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