On a fini par l'oublier, mais le point de départ de la crise des droits de scolarité, c'était l'importance cruciale de l'université pour l'avenir de la société québécoise.

C'est parce qu'il croit à l'université que le gouvernement Charest voulait accroître son financement, y compris par des hausses des droits de scolarité. Et c'est parce qu'ils croient à l'université que les associations étudiantes s'y opposent, au nom de l'accessibilité.

Et pourtant, la grande victime de ce conflit, ce sera le réseau des universités québécoises. Pas seulement à cause des coûts humains, financiers et académiques de la grève. Mais parce que le conflit s'est mué en procès, et que les universités en sortiront discréditées et affaiblies.

À ce chapitre, nous avons beaucoup de chemin à faire. Malgré les mythes que nous entretenons, la société québécoise ne se distingue pas par la valorisation des études supérieures. Cette absence de passion pour ses universités contribue à expliquer le fait que nos universités ont moins de ressources que celles du reste du Canada ou des États-Unis, parce que derrière les choix budgétaires, il y a des valeurs.

Cette indifférence relative, on la voit dans les choix des jeunes. Malgré nos droits de scolarité très bas, seulement 35% des jeunes de 22 ans avaient un diplôme de premier cycle en 2008. En Ontario, c'est 45%! On le voit aussi dans les opinions des Québécois. Un sondage récent de Léger Marketing pour The Gazette montrait que seulement 47% des répondants québécois estimaient qu'un diplôme universitaire était essentiel pour réussir dans la société d'aujourd'hui. 52% croyaient que non. C'est troublant.

Je soupçonne d'ailleurs que l'appui massif de 68% des Québécois à la position du gouvernement Charest dans ce dossier révélé dans le sondage CROP-La Presse de vendredi dernier, ne se faisait pas toujours pour les bonnes raisons, et qu'elle cachait des préjugés sur les étudiants, sur l'importance de l'université, sur son élitisme.

Et qu'est que le conflit a fait pour briser ce mur de l'indifférence? Il a plutôt réussi à empirer les choses. D'abord avec un message qui consiste à décrire les universités comme un haut lieu du gaspillage. C'est cette thèse qui est au coeur de l'entente du week-end: la création d'un comité provisoire chargé de trouver des économies qui permettront de réduire la facture payée par les étudiants.

Les universités sont des administrations lourdes. Mais l'idée qu'on pourrait aller y chercher 189 millions d'économies, comme l'affirment les associations étudiantes, relève de la pensée magique. Ce mécanisme, s'il voit le jour, aura des effets pervers. Il créera, sur le dos des universités, une espèce de comité permanent de l'indignation populiste, un tribunal du peuple dont les membres les plus visibles seront des leaders étudiants qui ne savent pas compter.

L'autre grand message est un corollaire du premier, mais aux effets encore plus corrosifs. Puisqu'il y a des économies à faire, les universités n'ont pas vraiment besoin d'argent de plus, ce qui contribue à renforcer les préjugés populaires les plus enracinés.

Un troisième message a émergé du discours des étudiants, qui ont sur l'université un point de vue d'usagers. Ils s'intéressent à leurs frais, à leurs cours, et pas beaucoup au reste. Par exemple, la CLASSE, dans un sursaut néo-obscurantiste, voudrait couper dans la recherche. Ce qui a ainsi été absent du débat, c'est la recherche, mais aussi la qualité de l'enseignement, l'importance de rayonner, les obligations d'excellence, les pressions de la concurrence mondiale que doivent affronter les universités.

Ce dont le Québec avait besoin, c'était de se mobiliser autour du projet rassembleur qu'est le développement de ses institutions universitaires. À ce chapitre, il a reculé au lieu d'avancer.