La victoire de François Hollande est sans surprise. Tout au plus la faible marge séparant le vainqueur du vaincu est-elle étonnante, compte tenu de la «sarkophobie» virulente dans laquelle a baigné la France depuis des mois.

L'Histoire retiendra de ce déchaînement la scandaleuse page une de L'Humanité faisant, photos à l'appui, un parallèle entre Nicolas Sarkozy et le maréchal Pétain.

Cela ne veut évidemment pas dire, nous le verrons, que le président sortant n'a pas eu ses torts.

Quoi qu'il en soit, la France, déjà socialiste dans les faits en matière d'économie (l'État y administre 56% de la richesse collective, davantage que la Suède!), le redevient aujourd'hui au plus haut échelon du pouvoir. Et les élections législatives de juin devraient consolider cet édifice sur le front parlementaire.

Or beaucoup parmi ceux qui ont voté, hier, n'ont pas vécu en tant qu'adultes les 14 ans du règne de François Mitterrand. Qui se souvient de ses premiers édits de 1981 et 1982 - nationalisation, imposition, munificence étatique - qui avaient mis la France en faillite virtuelle? Bien sûr, l'époque n'est pas la même. Et Hollande n'est pas Mitterrand... bien qu'il n'ait pas, au cours de sa campagne, semblé bien comprendre la situation (et les réformes qu'elle requiert) de l'économie européenne en général, française en particulier.

«Cela fait de lui un homme dangereux», a statué The Economist quelques jours avant l'élection.

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Maintenant, voyons les choses d'un autre angle: François Hollande pouvait-il ne pas être élu? Non.

D'un point de vue purement arithmétique, Hollande a hérité entre les deux tours de scrutin de précieux points de pourcentage légués par l'extrême gauche et l'extrême droite. Du Front de gauche de Jean-Luc Mélanchon, bien entendu. Mais aussi du Front national de Marine Le Pen, dont la stratégie est de «nettoyer» à son bénéfice, d'ici 2017, le terrain de la droite classique. Les centristes de François Bayrou sont venus compléter la troïka.

Mais il y a autre chose.

Outre ses erreurs de gouvernance, et elles sont nombreuses, Nicolas Sarkozy a toujours eu un problème d'image, surmonté en 2007 par une sorte de miracle. Cette fois-ci, après cinq ans de présence quotidienne aux nouvelles de 20h et aux Guignols de l'info, il n'y est pas parvenu. Les Français aiment un monarque qui, en aucun cas, ne saurait s'exclamer: «Casse-toi, pauv' c...». Ou porter un chandail du NYPD en joggant dans Central Park...

Anecdotique? Oh non!

François Hollande, justement, n'est pas fait de ce bois-là. Le débat télévisé d'il y a une semaine a même révélé un homme plus sûr de lui qu'on ne croyait, mitterrandien dans sa tenue et sa gestuelle, insoupçonnable de la moindre familiarité malvenue.

Il lui appartient maintenant d'être ce nouveau monarque, certes, mais dont les pieds devront être bien campés dans le possible et dans le réel.