Pour la première fois depuis des mois de controverse, la haute direction de SNC-Lavalin a rencontré hier les actionnaires, puis les journalistes, à l'occasion de l'assemblée annuelle de l'entreprise, tenue à Toronto.

On a senti, dans la chaleur des applaudissements qui ont suivi la présentation, que les actionnaires présents appuyaient le conseil et le chef de la direction par intérim, Ian Bourne, et ce bien que le titre ait perdu 38% de sa valeur au cours de la dernière année.

Il faut dire que, malgré les difficultés des derniers mois, l'entreprise se porte encore bien. La valeur du carnet de commandes a grimpé depuis la fin de 2011 pour atteindre un impressionnant 10,5 milliards. SNC-Lavalin dispose en trésorerie d'un coussin de 1,1 milliard. Et à la fin d'une tournée des principaux clients de la société, M. Bourne affirme avoir obtenu de leur part un appui sans réserve.

SNC-Lavalin demeure donc une formidable entreprise, avec d'impressionnants projets complétés ou en voie de réalisation partout dans le monde. Malheureusement, malgré la volonté de la direction de se concentrer sur l'avenir, l'ombre du scandale plane toujours.

Après avoir congédié deux vice-présidents et le chef de la direction Pierre Duhaime, après avoir mené une enquête interne qui n'a pas permis de savoir à qui et à quelle fin des sommes totalisant 56 millions ont été versées, le conseil d'administration s'en remet à la police. Ses membres estiment avoir agi avec diligence et détermination dès que les premières informations sur des irrégularités leur sont parvenues. Mais la direction n'exclut pas que le scandale puisse être plus grave que ce qu'on en sait aujourd'hui.

«Nous avions des employés de très haut niveau qui agissaient en violation du code d'éthique et à l'insu de la direction. Ce qu'ils ont fait ou non dans le cours de leurs activités, nous aimerions le savoir autant que quiconque», a soutenu le président du conseil, Gwyn Morgan.

La thèse des dirigeants de SNC-Lavalin, c'est donc que les irrégularités commises sont le fait de quelques individus agissant en catimini. Peut-être. Il reste tout de même étonnant que des cadres de si haut rang aient pu agir ainsi sans que quiconque s'en aperçoive. Dans des pays réputés pour l'étendue de la corruption, l'entreprise a-t-elle vraiment tout fait pour s'assurer que ses représentants respectaient son code d'éthique plutôt que l'«éthique» locale?

Nous nous réjouissons du fait que la haute direction ait, finalement, pris le temps de répondre aux questions que se posent les actionnaires et le public. Souhaitons qu'il s'agisse là d'un premier pas vers une communication plus transparente.

La transparence n'est pas une obsession de journalistes. C'est une obligation morale à l'égard des investisseurs, des clients et de la population. De plus, c'est de loin la stratégie la plus efficace pour préserver la réputation d'une entreprise en crise.