Sans grande surprise, j'ai reçu beaucoup de courriels après ma chronique d'hier sur la présence d'un généreux mafieux dans une activité de financement à laquelle Line Beauchamp a participé, en 2009, à l'époque où elle était ministre de l'Environnement.

J'ai reçu des informations intéressantes, que nous vérifierons au cours des prochains jours, des fleurs (merci!) et, en quantité moindre, des pots, la plupart reprochant à mon collègue André Noël et à moi-même de jeter de l'huile sur le feu, d'attiser les tensions contre le gouvernement Charest dans un contexte déjà très tendu.

Je présume que, selon cette logique, les médias devraient cesser d'enquêter et de révéler des histoires embarrassantes pour ce gouvernement qui en a déjà plein les bras.

Le plus loufoque, c'est que certains lecteurs font même un lien entre la parution de cette nouvelle et le conflit étudiant. «M. Marissal, il semble bien que vous soyez à court d'arguments pour défendre votre point de vue concernant la hausse des frais de scolarité en tentant de semer le doute sur l'intégrité de Mme Beauchamp», m'a écrit une dame.

Tout ce que ces courriels (pas très nombreux, disons-le) révèlent d'abord, c'est que le Parti libéral du Québec peut encore compter sur de fidèles supporteurs prêts à fermer les yeux et à tirer sur le messagersplutôt que de mesurer la gravité du message.

Cela ne suffit pas à cacher l'embarras de la ministre, qui a dû reconnaître hier qu'elle ne devrait pas se retrouver en présence de gens du crime organisé dans des activités de financement. Cela ne se reproduira plus, a-t-elle ajouté.

En plus des informations publiées par La Presse, TVA nous a appris hier que d'autres personnages connus du monde de la construction (Lino Zambito et Paolo Catania) étaient eux aussi à ce petit-déjeuner. Le même Zambito qui devra faire face à la justice, et qui disait le mois dernier aux collègues d'Enquête qu'il arrosait généreusement les élus provinciaux pour faciliter les relations d'affaires. (La méthode est connue, et pas exclusive au PLQ. D'ailleurs, Domenico Arcuri, qui a donné plus de 8000$ aux libéraux de 2003 à 2009, a aussi donné au PQ, 250$ en 2004 et 750$ en 2005).

Si Mme Beauchamp admet avoir eu de mauvaises fréquentations (involontaires, précise-t-elle), elle n'a pas voulu s'engager à retourner les milliers de dollars reçus de mains douteuses.

Elle ne voit pas, non plus, ce qui est plus grave selon moi, de problème à ce que des gens d'affaires intéressés organisent des activités de collecte de fonds entre des entrepreneurs et des ministres, comme ce petit-déjeuner lavallois qui a permis au PLQ de recueillir 60 000$. Dans ce cas précis, des entrepreneurs et des consultants dans le domaine de l'environnement ont payé pour rencontrer la responsable du ministère de l'Environnement, avec lequel ils traitent sur une base régulière, notamment pour obtenir des permis ou des contrats.

Je me pose des questions sur ce genre de pratique, très proche, selon moi, du lobbyisme. Je ne suis pas le seul, d'ailleurs. Au bureau du commissaire au lobbyisme, le porte-parole Daniel Labonté m'a confirmé hier qu'une telle rencontre «semble être un contexte propice à la communication d'influence», avant d'ajouter, prudemment, ne pas avoir de preuves que ce soit bel et bien le cas.

Le commissaire au lobbyisme déplore, encore une fois, que les grandes firmes de génie-conseil ne s'enregistrent pas officiellement à ses registres, question de clarifier les choses.

On ne peut pas être certain qu'il n'y a pas de discussions intéressées et de pression dans une activité privée comme celle du Piccolo Mondo, mais puisque personne n'est inscrit au registre des lobbyistes, il n'y a pas de lobbyisme...

«Il y a des individus qui ont lancé des invitations à des contacts, comme ça se fait la plupart du temps. Honnêtement, ce sont des individus qui organisent», a expliqué hier la ministre Beauchamp à l'Assemblée nationale.

Le mot «individu» ne fait pas ici référence à des militants ou à des organisateurs, mais à des entrepreneurs ou des employés de grandes firmes liées à ces entrepreneurs et au gouvernement. Par ailleurs, Mme Beauchamp n'a pas rencontré ces gens par hasard dans une grande salle avec 1000 autres personnes, mais dans le cadre intimiste d'un petit-déjeuner à 15 ou 20 convives. Elle soutient toutefois n'avoir aucune idée de l'identité des gens qu'elle rencontrait.

Son entourage aurait dû l'éclairer. Mme Beauchamp était accompagnée de son ancien attaché politique, Gilles Deguire, aujourd'hui maire de Montréal-Nord, qui a fait carrière dans la police de Montréal, et de son ex-conjoint, Pierre Bibeau, une légende dans les rangs libéraux.

Prétendre que M. Bibeau ne savait rien des gens invités à ce petit-déjeuner ou qu'il ne réalisait pas que cette activité avait tous les airs d'une séance de lobbyisme, ce serait une insulte à l'intelligence de ce vieux routier-organisateur-stratège libéral. Essayer de nous le faire croire serait une insulte à la nôtre.

vincent.marissal@lapresse.ca