À la veille du premier anniversaire de l'élection du gouvernement majoritaire de Stephen Harper, mercredi, CROP a sondé le coeur des Québécois sur leur relation avec les conservateurs.

Il y a quelques réponses étonnantes (et plutôt réconfortantes pour M. Harper) dans ce sondage, notamment le très fort appui des Québécois à la fin du financement public des partis politiques. Ils appuient aussi le durcissement des peines pour les récidivistes et les compressions dans le budget fédéral.

Il ne faudrait toutefois pas conclure que les Québécois sont prêts à faire un chèque en blanc à Stephen Harper. Près de 70% d'entre eux n'apprécient pas le travail de ce gouvernement et plus de 75% préféreraient qu'il soit toujours minoritaire. Un souhait vain, évidemment, puisque les conservateurs sont bel et bien installés au pouvoir avec une majorité, et si leur première année au pouvoir est garante de ce qui s'en vient d'ici aux élections d'octobre 2015, M. Harper a bien l'intention de profiter de sa domination aux Communes pour pousser le Canada là où il a toujours rêvé de le voir: à droite.

Petit retour, en vrac, sur une grosse première année d'un gouvernement pressé d'imposer ses programmes et sur les murmures de plus en plus fréquents des radicaux qui voudraient aller encore plus loin.

Le nombre record de bâillons utilisés par les conservateurs au Parlement pour adopter certaines lois, comme l'abolition du registre des armes d'épaule ou celles imposant le retour au travail d'employés syndiqués, démontre à lui seul l'empressement des conservateurs.

Le dernier budget Flaherty annonce par ailleurs les couleurs de Stephen Harper: rétrécissement important du rôle et des pouvoirs du ministère de l'Environnement; système d'immigration axé sur les compétences professionnelles; compressions majeures au gouvernement et disparition d'organismes tels que Droits et Démocratie.

Le gouvernement s'est par ailleurs lancé dans une charge en règle contre les groupes écolos financés par des intérêts étrangers et qui critiquent les sables bitumineux.

On a aussi appris, au cours des derniers mois, que le gouvernement canadien autorise dorénavant l'utilisation, par ses services secrets, d'informations obtenues sous la torture par une source extérieure.

Le gouvernement Harper a dû reculer sur un projet de loi qui ouvrait la porte à la surveillance des comptes courriel privés par la police, mais il a foncé à toute vapeur avec sa réforme du code pénal, au grand déplaisir des provinces, qui affirment qu'elles devront ramasser la note pour les nouvelles prisons.

La première année majoritaire de M. Harper a aussi été marquée par deux affaires embarrassantes, dont on n'a pas fini d'entendre parler: les coûts exorbitants (et cachés, selon le vérificateur général) des nouveaux chasseurs F-35 et les appels frauduleux lors du dernier scrutin.

Les partisans de Stephen Harper disent, avec raison, qu'il a été élu par une majorité de Canadiens et qu'il met en application le programme qu'il a défendu en campagne électorale. Personne n'avait vu venir, toutefois, la nouvelle lubie de ce gouvernement pour la monarchie...

Ce qu'on savait, par contre, c'est que l'élection d'un gouvernement de droite majoritaire inciterait certains de ses membres et militants à ramener à l'avant-scène quelques enjeux moraux, comme la peine de mort ou l'avortement.

On se souvient tous de l'épisode de la «corde» du sénateur Boisvenu.

Cette semaine, on a aussi vu un député conservateur ontarien tenter de réactiver le dossier de l'avortement (par un détour légaliste sur le droit du foetus).

Stephen Harper a laissé le débat se rendre jusqu'aux Communes, mais il l'a promptement stoppé, en affirmant que son gouvernement et lui n'avaient pas l'intention de suivre son député sur cette voie.

Il est intéressant de noter que ce débat sur l'avortement est revenu hanter les Communes la semaine même où les électeurs de l'Alberta, la province la plus à droite du pays, ont rejeté les programmes très conservateurs du Wildrose Party pour garder un gouvernement conservateur beaucoup plus porté vers le centre.

Au moment où il s'apprête à célébrer sa première année majoritaire, Stephen Harper devrait prendre bonne note du résultat des élections en Alberta, sa propre province: le progressisme n'est pas mort au Canada.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca