«Son nom est Bubba! Il joue au golf comme personne d'autre ne l'a fait avant lui et le voici sur le toit du monde.» Jim Nantz, la voix du golf au réseau américain CBS, la voix associée à ce sport à la fois si beau et si affreusement difficile, celui qui a décrit les grandes victoires des grands champions des 20 à 25 dernières années ne pouvait choisir de meilleurs mots pour décrire celui qui vient de remporter son premier titre majeur.

Car Gerry «Bubba» Watson a dû avoir recours à quelques coups magiques, pour ne pas dire impossibles, des coups que bien peu de ses adversaires auraient osé tenter, pour enfiler le veston vert réservé aux gagnants du Tournoi des Maîtres et aux membres du club Augusta National où il est disputé.

Dans le bois où il venait de loger son coup de départ au 10e trou, le deuxième de la prolongation qui l'opposait au Sud-Africain Louis Oosthuizen, Bubba était dans le trouble jusqu'au cou et dans les épines de pin jusqu'aux chevilles.

Qu'à cela ne tienne, il y avait une ouverture, donc une trajectoire à donner à la balle pour qu'elle se rende au vert. Et comme Bubba peut frapper la balle très loin, mais aussi la faire tourner vers la gauche, vers la droite et des fois des deux côtés sur un même élan, Bubba l'a placée au centre du vert.

Tout à l'opposé de Bubba Watson, Louis Oosthuizen - en passant, ça se prononce «Où-Sté-Zen» - un golfeur méthodique, tout en technique, tout en contrôle, n'a pu résister à la poussée de son adversaire qui était en mission.

Le reste fait maintenant partie de l'histoire.

«Je ne me suis jamais rendu aussi loin dans mes rêves», a répondu Bubba Watson lorsque Jim Nantz lui a demandé s'il avait déjà rêvé d'enfiler le veston vert du champion du Masters.

Feux d'artifice

Comme c'est presque toujours le cas, le Tournoi de Maîtres a offert aux amateurs de golf un spectacle magistral.

À 14h20 hier, lorsqu'il s'est retrouvé devant les journalistes, Bo Van Pelt l'a d'ailleurs promis en assurant que des feux d'artifice marqueraient les prochaines heures du Masters.

Après avoir ramené une carte de 64, huit coups sous la normale, la meilleure carte de la journée, Van Pelt savait de quoi il parlait. Il venait de réussir un trou d'un coup au 16e, une magnifique normale trois, et un aigle, trois trous plus tôt, sur la normale cinq. Un aigle qui aurait facilement pu se transformer en albatros, alors que sa balle s'est immobilisée à quelques pouces de la coupe sur son deuxième coup.

La prédiction de Bo Van Pelt s'est avérée.

Car, dès le deuxième trou, le Sud-Africain Louis Oosthuizen est passé à l'histoire en réalisant le premier albatros de l'histoire du Tournoi des Maîtres sur cette normale cinq de 575 verges. Avec Phil Mickelson et Peter Hanson, les meneurs après trois rondes, qui suivaient derrière, Oosthuizen a réalisé un coup parfait qui a complété son trajet de 253 verges en roulant lentement, mais sûrement, vers la coupe à l'intérieur de laquelle la balle s'est engouffrée.

Pour les fervents d'histoire, les quatre normales cinq de l'Augusta National ont été «victimes» d'un albatros. Mais une seule fois chacune. Comme quoi ce terrain majestueux, qui fait la preuve par 1000 que l'herbe est parfois plus verte dans la cour du voisin, a bien plus souvent eu le dessus sur ceux qui tentaient de le dominer que le contraire.

Parlez-en à Phil Mickelson.

Au quatrième trou, une normale trois, Phil a envoyé sa balle dans les gradins. Elle a ricoché avant de se retrouver dans les buissons. Phil aurait dû retourner au tertre, encaisser un coup de pénalité, et tenter de sauver un bogey. Mais comme Phil a du Bubba dans le nez - et cela lui a coûté bien des victoires lui aussi - ou qu'il a été victime d'une crampe au cerveau, il a tenté un coup renversé. Une erreur qui en a entrainé une autre et qui lui a finalement coûté trois coups.

Trois coups qui ont fait la différence. Trois coups qui ont empêché Phil de se battre pour enfiler un quatrième veston vert. Ce qui l'aurait placé sur un pied d'égalité avec Tiger Woods.

À la mémoire de Seve

Où était le Tigre?

Comme il l'a dit lui-même, il a choisi une bien mauvaise semaine pour connaître une mauvaise semaine...

Mais ce n'est pas grave.

Car en dépit de la déconfiture de Tiger, celle de son jeune dauphin Rory McIlroy, du toujours jeune Fred Couples, et des autres joueurs attendus à Augusta, ils ont été remplacés par d'autres, tout aussi bons, tout aussi spectaculaires, tout aussi magiciens à leur façon, et qui ont fait du Tournoi des Maîtres la grand-messe du golf qu'il est, année après année.

Et comme l'âme de Severiano Ballesteros, l'un des plus grands magiciens de l'histoire du golf emporté par un cancer il y a à peine un an, flottait au-dessus d'Augusta cette semaine, Bubba, avec sa façon peu orthodoxe de jouer au golf, avec sa façon de donner des trajectoires particulières aux balles comme le faisait si bien «Seve», était peut-être au fond le champion tout désigné.