Une devinette. Grâce à quelle recette magique le gouvernement Harper peut-il se permettre de projeter l'élimination du déficit fédéral d'ici l'exercice financier 2015-2016?

Non non! Détrompez-vous, ce n'est pas avec l'abolition à partir de l'an prochain de l'exemption d'impôt sur le traitement de 130 000$ du gouverneur général du Canada que l'on va éliminer le déficit. Il est vrai que le gouverneur général va commencer à payer de l'impôt à partir de 2013 sur son salaire. Mais, à la page 458 du budget, on mentionne que ce sera le «traitement ajusté» du gouverneur qui deviendra imposable. Oh! oh! Cela laisse présager que le gouvernement haussera le traitement du gouverneur en fonction des impôts que ce dernier devra dorénavant payer. Résultat? Niet, pas un cent de plus dans les coffres, a affirmé à La Presse Affaires le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé.

Bien entendu, les nouvelles compressions budgétaires (devant atteindre 5,2 milliards de dollars dans cinq ans) mises en place dans la fonction publique aident de toute évidence le ministre des Finances, Jim Flaherty, à nous présenter, selon ses prévisions, un premier surplus budgétaire à partir de l'année 2015, et ainsi de suite.

Mais ces compressions ne représentent dans les faits qu'une partie de la recette magique qui permet au ministre Flaherty de faire passer le budget fédéral d'un déficit de 21 milliards pour le nouvel exercice financier de 2012-2013 à un surplus de 3,4 milliards en 2015-2016. Et à un surplus de 7,8 milliards l'année suivante.

Quelle est donc la partie cachée de la recette qui permet aux conservateurs de jouer aux héros de la finance publique?

On la trouve dans une hausse appréciable des revenus budgétaires au cours des cinq prochains exercices financiers.

Les revenus budgétaires vont augmenter de 64,5 milliards de dollars d'ici 2016-2017, soit 2,4 fois plus que la hausse cumulative (26,7 milliards) des charges projetées des programmes budgétaires.

Une fois que l'on tient compte de la charge supplémentaire de 5 milliards au chapitre des frais de la dette publique, on constate que le gouvernement fédéral s'en tire finalement avec un gain net sur cinq ans de 32,7 milliards.

Elle est donc là la «vraie» recette magique par l'entremise de laquelle le gouvernement Harper réussira à effacer graduellement le déficit fédéral, pour aboutir en 2015 avec un surplus.

Non mais quelle performance! Les financiers de la planète ne manqueront sûrement pas de citer ainsi le Canada en exemple. D'autant plus que le gouvernement Harper réussira à abaisser le ratio de la dette fédérale à 28,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2016-2017, soit le même niveau d'avant la récession de 2008. Le meilleur ratio de tous les pays industrialisés.

Et quel heureux hasard de réussir à effacer le déficit à partir de 2015, l'année électorale... où le gouvernement Harper sera obligé de défendre devant l'électorat le bilan de ses cinq années de gouvernement majoritaire.

Revenons à l'importante hausse de revenus que le gouvernement fédéral encaissera au cours des cinq prochaines années et décortiquons-la.

Plus de la moitié des 64,5 milliards de hausse provient de l'impôt sur le revenu des particuliers. L'augmentation s'élève à 36,1 milliards, ce qui représente une ponction supplémentaire d'impôt de 30% au bout de la cinquième année.

L'impôt sur le revenu des sociétés rapportera quelque 7,3 milliards de plus, en hausse de 22%.

Au chapitre des recettes tirées des diverses taxes (dont la TPS) et des droits d'accise et de douane, le gouvernement fédéral bénéficiera d'un ajout de 8,4 milliards. Ça équivaut à un supplément de 20% par rapport à l'exercice financier qui se termine aujourd'hui.

La crise financière 2008-2009 s'est avérée particulièrement douloureuse pour le programme de l'assurance-emploi.

«Dans le présent budget, explique le ministre, le gouvernement adopte des mesures en réponse aux préoccupations des employeurs et des employés au sujet de la stabilité et de la prévisibilité des taux de cotisations et en limitant la hausse des cotisations à 5 cents par année jusqu'à ce que le Compte des opérations de l'assurance-emploi soit équilibré.»

De 1,78$ par tranche de 100$ de rémunération assurable, le taux actuel de cotisation passera à 1,95$ en 2016-2017.

La hausse de la cotisation à l'assurance-emploi a peut-être l'air anodine. Mais elle ne l'est absolument pas. Les recettes tirées de cette hausse de cotisation rapporteront un supplément de revenus de 4,9 milliards d'ici cinq ans.

Au cours des cinq prochains exercices financiers, le ministre Jim Flaherty projette d'aller chercher un profit cumulatif de 15,7 milliards avec l'assurance-emploi, le revenu des cotisations dépassant largement le coût des prestations versées aux chômeurs.

Par ailleurs, à entendre le discours du ministre des Finances, on a l'impression que l'annonce des nouvelles mesures fiscales touchant l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt des sociétés, la fiscalité internationale, les taxes, les douanes... n'aura pas trop d'impact financier sur le budget.

Erreur de perception! Il suffit de sortir sa calculette pour se rendre compte que le gouvernement Harper va réussir à engranger au cours des cinq prochains exercices financiers un alléchant profit de 3,5 milliards avec les nouvelles mesures fiscales et tarifaires qu'il met en place à partir du nouvel exercice financier.