Bière et fromage. Voilà le buffet auquel les amateurs de sports montréalais sont conviés de nos jours. Et derrière la pale ale et la mozzarella, il y a deux familles, deux clubs et deux fils choisis pour donner des victoires à Montréal, Geoff Molson et Joey Saputo. Ces messieurs sont aussi importants que le maire et le premier ministre en ce qui concerne le moral des troupes citoyennes.

Geoff Molson et Joey Saputo ont été chargés de diriger le gros jouet familial, un jouet qui sert aussi d'image de marque. Ils peuvent s'amuser pendant que leurs frères s'occupent des choses sérieuses et moins excitantes, des choses peu glamour comme les comptes, les profits et les pertes, mais ils ont tous deux la même consigne: ne ternissez pas l'image des Molson et des Saputo.

Les deux hommes ont pratiqué le sport qui les concerne, ils l'adorent et, comme tous les athlètes limités que nous sommes, ils ont leur petite idée sur la façon de faire les choses. Geoff Molson et Joey Saputo sont aussi des partisans comme les autres.

Quand Geoff Molson a pris la présidence du Canadien, un de ses frères a commenté: «C'est le moins timide de la famille». J'ai connu la génération précédente et, en effet, les Molson sont des gens discrets, timides, des hommes extrêmement polis qui disparaissaient vite dans les coulisses. Geoff a foncé et s'est vite retrouvé dans l'embarras. Un club de dernière place, des gradins et des cotes d'écoute qui en souffrent, la grogne générale...

Pour le moment, Joey Saputo s'en tire mieux. Il a réussi à amener son petit club jusqu'au circuit numéro un en Amérique du Nord et à emplir le Stade olympique. L'image de l'Impact est non seulement impeccable, le public est fier de son jeune club et l'appuie sans réserve.

La suite nous dira si le voyage sera toujours aussi agréable pour cet homme bouillant et orgueilleux.

Geoff Molson est nettement plus relaxe. Il n'est pas en poste depuis longtemps, mais il se retrouve dans une situation catastrophique. Certains observateurs mettaient déjà en doute ses capacités à diriger le club. C'était parler un peu vite.

La journée d'hier marquait le véritable début du règne de Geoff Molson. Il a chassé deux hommes influents, Pierre Gauthier et Bob Gainey, et il commence à mettre en place son équipe.

Il sera admissible à un jugement final dans quelques années, pas avant.

Le cas Roy

Je n'ai jamais cru en la venue de Patrick Roy à Montréal. L'homme est bien connu pour ses colères et ses écarts de conduite. Rares sont ceux qui accepteraient de travailler avec lui.

Pour le rendre heureux, il faudrait le nommer entraîneur-chef, directeur général et... président. Et un Patrick Roy malheureux, c'est un peu comme un taureau qui entrerait dans une maison de retraite.

Sauf que... Serge Savard, qui l'admire, serait l'homme qu'il faudrait pour conseiller Roy si ce dernier devient DG. Roy a un énorme respect pour son ancien patron, pour l'homme qui l'a repêché alors que beaucoup d'autres gardiens avaient de meilleures statistiques, et qui a vu juste. Serge Savard serait capable de mettre en valeur les grands talents de Patrick Roy et d'atténuer ses sautes d'humeur. Et avec un duo Savard-Roy à sa tête, imaginez-vous la popularité nouvelle du Canadien?

Reste à savoir si Roy voudrait prendre la tête de cette équipe qui aura besoin d'au moins deux ans pour se relever de l'épisode Gainey-Gauthier. La plupart des meilleurs éléments de l'organisation sont soit vieillissants, soit presque adolescents. Mais dans le hockey d'aujourd'hui, deux ans et quelques décisions judicieuses peuvent tout changer.

Pensée magique

En attendant, nous aurons droit à des analyses 24/7, à l'opinion d'un peu tout le monde et souvent de gens qui n'y connaissent rien. Nous aurons surtout droit à de la suranalyse, celle qui finit toujours par déformer la réalité.

C'est d'ailleurs déjà parti. On nous parlait hier d'une organisation et d'une équipe presque entièrement québécoise francophone, avec Coupe Stanley garantie.

La pensée magique n'est nulle part plus présente que dans le sport et surtout du côté du CH.

Enfin, Pierre Gauthier nous aura laissé quelque chose: je zappais hier et j'entendais du monsieur un peu partout. Monsieur Molson, monsieur Gauthier, monsieur Savard...

On parlait dans le dos de Pierre Gauthier, voilà qu'on l'imite. C'est vous dire comment fonctionne ce joyeux petit univers du Centre Bell, entre la génuflexion et le coup de poignard...