Depuis qu'il a pris le pouvoir en 2006, le gouvernement Harper n'avait jamais eu les coudées franches. Mais avec le budget dévoilé hier, les vrais conservateurs se sont levés.

Le septième budget de Jim Flaherty dégraisse la fonction publique à Ottawa et exige des examens environnementaux plus expéditifs, entre autres mesures qui sourient aux entreprises.

Ce budget n'est pas aussi dur que le grand coup de barre donné par l'ancien ministre des Finances Paul Martin pour redresser les finances publiques au milieu des années 90. Mais n'en déplaise aux faiseurs d'image des conservateurs, c'est un budget d'austérité.

Pour que le Canada retrouve l'équilibre budgétaire en 2015-2016, le ministre Flaherty projette des coupes de 5,2 milliards qui sont de 30% supérieures à celles annoncées en campagne électorale.

Ces coupes équivalent à 7% des dépenses de programmes du gouvernement, qui excluent les transferts aux provinces et aux particuliers. Pour une économie avec un chômage de 7,4% et une croissance projetée de 2,1% en 2012, il s'agit d'un risque calculé. Mais avec plusieurs provinces qui mettent en oeuvre des mesures d'austérité simultanément, le Canada flirte avec le danger.

Ces réductions de dépenses sont cependant moins effrayantes que celles évoquées en janvier par le président du Conseil du Trésor, Tony Clement. Les Canadiens sont donc comme ce patient à qui on a annoncé l'amputation du bras, et qui se réveille avec juste une main en moins. Le soulagement est tout relatif.

Ces coupes ne sont pas uniformes. Les conservateurs tentent de faire croire que c'est la Défense nationale qui est la plus touchée en proportion de ses dépenses. Mais le gouvernement ne fait que reporter les gros achats militaires.

Dans les faits, ce sont les ministères de la Sécurité publique, de la Santé et de l'Agriculture qui sont les plus affectés en proportion de leurs budgets. C'est sans parler de l'aide internationale, éternelle victime des gouvernements fauchés.

À l'intérieur des ministères, certains services écopent aussi plus que d'autres. Par exemple, la Société Radio-Canada devra apprendre à vivre avec 115 millions en moins, le dixième de son budget annuel.

Mais ce que monsieur et madame Tout-le-Monde retiendront avant tout, c'est le report de l'âge auquel les Canadiens peuvent commencer à toucher leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse. Tous les Canadiens de 50 ans et moins devront attendre d'avoir 67 ans avant de recevoir ces prestations.

Ce report de deux ans épargne donc les baby-boomers, premiers responsables de l'accroissement des coûts de ce programme, qui culmineront en 2030. Pour l'équité entre générations, on repassera.

Avec les Canadiens qui vivent de plus en plus vieux et les pénuries de travailleurs appréhendées, cette mesure part d'une bonne intention: garder de plus en plus de gens sur le marché du travail. Mais, contrairement aux autres pays avec des régimes publics de retraite précaires à qui le gouvernement se compare pour se justifier (Royaume-Uni, France et Italie, entre autres), il n'y a pas péril en la demeure. Passé 2030, le coût de ces prestations en pourcentage du PIB redescendra de lui-même à son niveau actuel, selon l'actuaire en chef du Canada.

Le report de la retraite à 67 ans frappe beaucoup plus durement les salariés qui exercent des métiers éprouvants, comme le travailleur de la construction qui besogne à l'extérieur par moins 15 degrés ou la caissière qui travaille debout toute la journée.

Le ministre Flaherty aurait pu récupérer une plus grande part des prestations de la Sécurité de la vieillesse chez les Canadiens ayant des revenus élevés. Ou se contenter de bonifier la rente de ceux qui repoussent leur retraite de 65 à 67 ans, voire à 70 ans, plutôt que de pénaliser tous les travailleurs. C'est l'approche incitative que le Québec a préconisée, en augmentant le crédit d'impôt pour les travailleurs de 65 ans et plus.

Partir à la retraite avant 67 ans condamnera le petit salarié à la pauvreté. Et il n'y aura même plus de «sous noirs» à compter.