La dernière fois que je me suis retrouvé dans un grand centre des congrès à suivre l'issue d'une longue course à la direction d'un parti, c'était à Montréal en 2006, du côté du Parti libéral du Canada.

Le PLC, quiconque a couvert ce congrès s'en souviendra pour le restant de ces jours, avait alors causé la surprise générale en élisant Stéphane Dion, un intellectuel peu charismatique et mal-aimé dans sa propre province, qui avait toutefois profité de l'appui de l'aile libérale puriste.

Pour la majorité des observateurs et pour une bonne partie de la population, en particulier au Québec, le choix logique aurait plutôt été Michael Ignatieff, qui représentait le changement de garde et le renouveau au PLC ou, à la limite, Bob Rae, un vieux routier.

Mais oubliez les observateurs et les sondages d'opinion dans la population en général, dans un exercice comme celui-là, ce sont les membres qui votent, selon une logique compliquée.

Pourrions-nous vivre aujourd'hui à Toronto une surprise semblable avec le NPD? Je persiste à croire que la logique favorise Thomas Mulcair, mais après quelques heures passées à discuter avec les militants et les membres des différentes équipes, la seule chose qui paraissait sûre, c'est... que rien n'est sûr.

Il n'y a aucune similitude entre les personnalités de Michael Ignatieff et de Thomas Mulcair, mais on peut faire des parallèles entre leur position dans leur course respective. M. Mulcair, comme M. Ignatieff il y a six ans, a reçu le plus d'appuis au sein du caucus des députés, il est le favori des Québécois (militants et députés) et il représente, comme Iggy, le changement. Mais comme M. Ignatieff en son temps, M. Mulcair compte des détracteurs déterminés et organisés, notamment au sein de l'establishment de son parti.

Il existe toutefois une différence fondamentale entre MM. Ignatieff et Mulcair: le second est visiblement plus doué pour la politique que le premier. Contrairement à Michael Ignatieff, qui avait plafonné rapidement dans sa course, Thomas Mulcair a récolté, jusqu'aux derniers jours de campagne, appuis et fonds.

Dans le camp du député d'Outremont, on sait que c'est loin d'être joué. Un de ses principaux organisateurs prédisait même hier soir quatre ou cinq tours de vote avant de déterminer un gagnant. Des supporters de M. Mulcair craignaient même que leur candidat termine deuxième au premier tour. L'équipe de Brian Topp, probablement la plus visible entre les murs du centre des congrès de Toronto, avait bon espoir de remporter la première manche.

Les militants de Peggy Nash, dont le Québécois Pierre Ducasse, croyaient aussi en ses chances, tout en admettant que cette course est totalement imprévisible.

Nathan Cullen, seul candidat de la Colombie-Britannique, la province qui compte le plus de membres néo-démocrates, était visiblement satisfait de sa campagne, lui aussi.

«C'est tellement difficile à dire, dit Romeo Saganash, croisé en après-midi. Au début de la campagne, on sentait un sentiment «anybody but Mulcair», mais on le sentait beaucoup moins depuis quelques temps.»

Comme tous les supporters de Thomas Mulcair, M. Saganash sait fort bien que les promesses de modernisation du NPD formulées au cours des six derniers mois dérangent.

Après avoir passé des mois à répéter partout au pays qu'il souhaite changer le NPD et élargir ses horizons électoraux, Thomas Mulcair a soigneusement évité le sujet dans son discours final, hier après-midi devant les militants.

En anglais, le slogan de M. Mulcair inscrit sur les grands écrans disait «Uniting progressive» (unir les progressistes) alors qu'en français, le message était «Continuons sur notre lancée».

Un message pour le Québec, un pour le reste du pays, c'est aussi ce que Peggy Nash a tenté de faire en se faisant présenter par trois jeunes nouveaux députés québécois: Anne Minh-Thu Quach, de Beauharnois-Salaberry, Dany Morin, Chicoutimi-Le Fjord et Laurin Liu, Rivière-des-Mille-Îles.

Brian Topp, quant à lui, a insisté, sur sa vidéo de présentation, sur les appuis des éminences grises du NPD, Ed Broadbent et Roy Romanow, entre autres.

Les milliers de néo-démocrates réunis à Toronto ont rendu un ultime hommage à Jack Layton hier soir, mais ce matin ils doivent répondre à la question fondamentale: quel candidat est le mieux placé pour préserver les gains de leur ancien chef et les amener à l'étape suivante?

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