Le fait que le problème du déficit soit presque derrière nous, si on regarde les prévisions du budget Bachand, a mis en relief l'autre gros problème financier du Québec, son énorme dette, qui s'est gonflée depuis la crise économique. Péquistes et caquistes ont attaqué le gouvernement libéral sur sa gestion de ce problème, assez pour que certains y voient un enjeu électoral.

Le problème est en effet sérieux. Le Québec est la province canadienne la plus endettée. La dette brute atteint maintenant 191 milliards, soit plus de 27,000$ par personne, et elle continuera à augmenter dans les années à venir. Cette dette a explosé depuis 2009, passant de 50% à 55,3% du PIB. Ce fardeau fait en sorte que 12,7% des dépenses de l'État sont consacrées au service de la dette plutôt qu'à procurer des services publics. Il faut donner un très sérieux coup de barre pour inverser cette tendance.

Mais une conversation intelligente et fructueuse sur la question sera impossible si on ne s'affranchit pas du carcan partisan, qui consiste à décrire le gouvernement libéral comme le champion de la dette. C'est simpliste, et cela ne nous approche pas d'une solution.

Pendant une décennie, de 1999 à 2009, le poids de la dette a baissé. Elle est passée de 59,2% à 50,1% du PIB, grâce à la croissance économique et surtout grâce à l'atteinte du déficit zéro. Les premiers ministres Lucien Bouchard, de 1999 à 2001, Bernard Landry, de 2001 à 2003, et Jean Charest, de 2003 à 2009, ont dirigé des gouvernements qui ont permis cette baisse du poids de la dette. Et incidemment, les chefs des deux partis d'opposition, Pauline Marois et François Legault, ont participé à cet effort en tant que ministres.

Un revirement, spectaculaire, à partir de 2009, l'a fait grimper de 152 à 191 milliards. Mais cette hausse s'explique par deux facteurs assez évidents. Les projets d'infrastructures, financés par des emprunts, ont ajouté environ trois milliards de dette additionnelle par année. Ensuite, la récession a replongé le Québec dans les déficits, plus de trois milliards par année.

Les critiques peuvent pousser de hauts cris. Mais pour que leur indignation soit crédible, ils doivent répondre à trois questions. Auraient-ils mis la pédale douce sur les travaux d'infrastructure? Se seraient-ils opposés à la création d'un déficit en période de récession? Et auraient-ils pris des mesures pour le ramener à zéro plus rapidement, en coupant encore plus dans les dépenses? La réponse est non à ces trois questions. Rien ne permet donc de croire que le PQ ou la CAQ aurait agi vraiment différemment.

Cela nous ramène à une évidence: le combat pour s'attaquer à la dette ne pouvait pas vraiment commencer tant que le Québec était en situation de déficit. Cette bataille commence donc maintenant. Le ministre Bachand, qui a déjà pris des mesures pour réduire la dette à travers le Fonds des générations, a proposé un plan pour réduire le poids de la dette de 55% à 45% du PIB d'ici 2026, essentiellement en y consacrant une partie des redevances minières et le produit de la hausse à venir des tarifs d'électricité.

Est-ce assez? Malgré ces efforts, le Québec resterait la province la plus endettée. Il faudra aller plus loin. Mais cela signifie qu'après quatre budgets d'austérité pour ramener le déficit à zéro, le prochain gouvernement, quel qu'il soit, s'il est sérieux dans sa dénonciation de la dette, devra s'engager dans un autre cycle d'austérité.

S'il y a un débat sur la dette, c'est là-dessus qu'il devra porter. Il faudra dépasser le stade de l'indignation, toujours facile, et nous dire comment on entend s'y prendre.