La véritable face sombre de l'énergie nucléaire n'est pas l'accumulation de déchets radioactifs. Encore moins le nombre de cadavres semés par les accidents. C'est la peur. La peur irrationnelle de l'atome, lequel demeure pourtant la façon la plus sûre de produire de l'énergie.

Depuis Fukushima, cette peur a essaimé.

Rappelons-nous: il y a exactement un an, ce dimanche, un tsunami endommageait gravement trois des six réacteurs de la centrale de Fukushima, au Japon.

Or, le plus remarquable, c'est justement que ce grave accident, déclenché par la pire destruction dont la nature soit capable (et qui, elle, a tué 19 000 personnes) n'ait fait aucune victime! Le réacteur numéro 4 de Tchernobyl demeure le seul qui, en 60 ans d'exploitation de l'atome civil, ait tué.

Pour apprécier le niveau de sécurité que cela représente, il faut comprendre que la production d'énergie est, mise à part la guerre, la plus risquée des activités humaines. Le pire accident de l'Histoire a été l'effondrement, en 1975, de deux barrages hydroélectriques chinois. La mine de charbon est quotidiennement l'endroit le plus assassin de toute l'industrie. Le pétrole est notoirement un fauteur de guerre à la grandeur de la planète. Et on n'a pas encore parlé de pollution mortifère ou d'environnement saccagé!

Malgré cela, la «renaissance nucléaire» annoncée avant Fukushima n'aura pas lieu.

Depuis un an, les mises en chantier de réacteurs nucléaires ont diminué: leur nombre stagne à plus ou moins 440. L'Allemagne a annoncé qu'elle stoppera tous les siens et d'autres pays feront éventuellement de même. En 1996, l'atome produisait 18% de l'électricité consommée dans le monde; c'est 13,5% aujourd'hui. Et ce chiffre ne bougera pas dans l'avenir si tout va bien, mais il pourrait aussi dégringoler à 7% (selon The Economist).

Ce ne serait pas un problème si l'énergie devait plutôt être produite par le soleil et le vent. Ou si, comme le souhaitent apparemment certains lobbies anti-nucléaire, l'humanité décidait tout simplement de se passer d'énergie...

Mais ça n'arrivera pas.

Au Japon, 52 des 54 réacteurs nucléaires ayant été stoppés, le gaz et le pétrole prennent le relais. En Chine, le concurrent de l'atome demeure le charbon: 1400 centrales thermiques tournent actuellement et on en construit une nouvelle par semaine! Aux États-Unis, le gaz de schiste prolifère maintenant dans le paysage énergétique. Que feront les 15 pays comptant sur l'atome pour plus de 25% de leurs besoins - dont la France, à 74%?

La réalité, c'est qu'on ne pourra pas se passer de l'atome. Dans un monde plus rationnel, moins tétanisé par la peur, on lui permettrait même de contribuer encore davantage à la production d'énergie. Il appartient à l'industrie productrice et aux gouvernements régulateurs de rebâtir - autant que faire se peut - la confiance perdue dans les cendres de Fukushima.