Ce qui donne une certaine légitimité à la grève des étudiants contre la hausse des droits de scolarité universitaire, c'est l'argument de justice sociale, le risque que ces hausses découragent des jeunes de milieux démunis d'aller à l'université.

Ça n'arrivera pas, pour deux raisons. D'abord, le coût des études est un facteur mineur pour déterminer la participation universitaire. Ensuite, les modifications aux programmes de bourses élimineront complètement l'impact financier négatif pour les étudiants les moins fortunés.

Il y a clairement un risque que le coût des études puisse affecter la fréquentation universitaire. Assez pour que le Québec ait mis sur pied, en 2009, un comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études, le CCAFE, qui a remis plusieurs rapports sur cet enjeu, notamment sur les hausses qui font l'objet du conflit actuel. Les étudiants auraient intérêt à le lire au complet.

En 2007, il soulignait que les principales causes à la sous-représentation des jeunes de milieux défavorisés étaient ailleurs: «Les facteurs économiques, sociaux et culturels ont une influence souvent déterminante sur le destin scolaire des jeunes. L'accessibilité aux études supérieures se joue en grande partie en amont.» Tout en soulignant que «les obstacles financiers sont bien réels».

Le CCAFE a tenté de mesurer cet impact en faisant un appel à une économiste de l'Université de Sherbrooke, Valérie Vierstraete, qui avait publié une volumineuse étude sur le sujet en 2007 contenant entre autres un modèle économétrique pour tester l'impact de divers scénarios de financement. Elle a appliqué ce modèle aux hausses des frais annoncé dans le budget 2011-2012, pour conclure que cela pourrait provoquer une réduction des effectifs de 2,5%, soit 7000 étudiants, le chiffre cité ad nauseam par les militants.

Le problème, c'est qu'en raison de la structure de son modèle, Mme Vierstraete a mesuré l'impact d'une hausse immédiate de 1625$, comme si les droits de scolarité passaient d'un coup de 2168$ à 3793$. Dans les faits, comme la hausse est répartie sur cinq ans, les étudiants pourront s'adapter et modifier leurs comportements. L'effet net sera évidemment moindre.

Il y aura quand même un impact négatif, à moins qu'on vienne en aide à ces étudiants. Actuellement, environ 46 000 étudiants universitaires démunis reçoivent des bourses, en plus de leurs prêts. On peut raisonnablement penser que les étudiants les plus vulnérables se retrouveront parmi ces boursiers.

Que va-t-il leur arriver? «Tous les étudiants boursiers bénéficiant du Programme d'aide financière aux études seront pleinement compensés pour la hausse des droits de scolarité», affirme le budget 2011-2012. La hausse des frais sera compensée au complet par les bourses. Pour ces étudiants, 25% des effectifs, pas un sou de plus à payer, pas un dollar de dette de plus. Un effet financier nul.

Cela n'élimine pas tous les problèmes. Le premier, c'est celui des perceptions. Les jeunes des milieux défavorisés ont tendance à surestimer le coût des études, un préjugé qui sera renforcé par le débat actuel. Mais la responsabilité en revient à la fausse information véhiculée par les associations étudiantes.

Le second problème, c'est que si les plus pauvres sont bien protégés, les autres devront payer plus. Le fardeau exigé des étudiants et de leurs familles sera plus élevé. L'endettement augmentera, ce qui affectera particulièrement ceux qui, sans être pauvres, ne nagent pas dans l'argent.

Ce n'est pas à négliger. Mais cela ramène le débat là où il doit être. Il s'agit moins d'une bataille pour la justice sociale que d'un mouvement qui, sans s'en rendre compte, exprime un réflexe de «pas dans ma cour» des classes moyennes.