La Presse révélait cette semaine que le consortium étranger qui construit et finance le futur Centre hospitalier de l'Université de Montréal exige de ses fournisseurs qu'ils communiquent en anglais.

Ça n'a évidemment aucun sens. Les entreprises étrangères qui oeuvrent au Québec, à plus forte raison celles qui bénéficient de gros contrats publics, doivent respecter les règles du jeu québécoises, notamment le fait que la langue de travail et du fonctionnement des entreprises est le français.

Par contre, il est difficile de ne pas voir l'ironie de cet incident. Des acteurs du monde de la construction, des ingénieurs, des entrepreneurs, des fournisseurs, sur la sellette depuis plusieurs années pour les abus qui se sont multipliés dans leur industrie, deviennent soudainement des victimes et se retrouvent du bon bord, celui des vertueux de la langue.

Ce n'est pas un hasard. Ce sont deux facettes d'une même réalité. Car il y a un lien entre la langue et le scandale de la construction. L'incident de l'anglais au CHUM nous rappelle que nos lois linguistiques, aussi essentielles soient-elles, comportent également des effets pervers.

Une des grandes causes du scandale de la construction est très certainement l'homogénéité culturelle de la société québécoise, protégée par sa langue, et qui a tendance à fonctionner en vase clos, dans une bulle, bien à l'abri des menaces extérieures.

L'industrie de la construction, avec ses lois, son régime syndical unique, le protectionnisme gouvernemental, a développé une culture d'affaires consanguine. Cela a certainement créé un climat qui a favorisé le copinage, la collusion et la complicité des pouvoirs publics.

Quand ce scandale a éclaté, il m'est apparu très clair qu'une des façons d'assainir cette industrie et de crever l'abcès était de favoriser la concurrence, de faire venir des joueurs d'ailleurs, qui ne faisaient pas partie du réseau des petits copains. Dans le cas du CHUM, si le recours aux PPP a suscité certaines interrogations, un des grands avantages de cette formule, c'était les appels d'offres internationaux et la possibilité de ne plus être les otages d'un régime où la collusion et les dépassements de coûts sont trop fréquents.

Le problème, c'est que cette concurrence étrangère, en plus d'affronter les obstacles protectionnistes habituels, doit composer avec le régime linguistique québécois qui comporte des coûts. Il peut décourager certaines entreprises. Ou encore, comme c'est le cas pour le consortium Collectif santé Montréal, mener à un non-respect des règles linguistiques.

Ce n'est pas parce que ce consortium, composé de deux entreprises anglaises, une française et une espagnole, a choisi l'anglais comme langue commune, que cela la libère de l'obligation de fonctionner en français. Mais notons quand même que la langue et les réseaux tissés serrés ont bien servi notre industrie de la construction.

On a pu observer la même chose dans un autre dossier linguistique, celui de l'utilisation excessive de l'anglais dans les sièges sociaux d'entreprises francophones. Les dénonciations de l'anglais ont souvent porté sur les services informatiques. Cela s'explique évidemment par le fait que l'anglais domine à travers le monde dans ce secteur.

Mais il n'est pas inutile de rappeler que l'autre domaine, à part la construction, où il semble y avoir eu abus dans les contrats gouvernementaux, est justement celui des services informatiques, comme par hasard. Une industrie où la proximité, la protection de la concurrence ont favorisé le siphonnage des fonds publics.

C'est facile de tout mélanger dans les dossiers linguistiques. On l'a vu encore récemment avec l'émoi provoqué par le fait que les HEC proposent certains programmes en anglais. Les impératifs de protéger le français, d'assurer les droits des citoyens ne doivent pas non plus devenir un prétexte pour encourager la médiocrité et le repli sur soi.