Le désormais célèbre Pierre Poutine, de la rue Séparatiste à Joliette, a été trahi par son téléphone portable. Un modèle jetable, bas de gamme, zéro intelligence. Imaginez ce qu'on aurait su de ce bon monsieur s'il avait utilisé un engin sophistiqué, au quotient intellectuel élevé, BlackBerry ou autre iPhone...

Tout ça a l'air d'une bonne blague. Et pour ce qui est de Pierre Poutine, ça en est une! Mais les capacités des portables dits intelligents présentent de fait deux dangers: l'esclavage et l'espionnage.

Certes, nous sommes esclaves de bien d'autres maîtres. Et les portables ne sont pas les seuls espions.

Beaucoup de voitures sont munis de véritables boîtes noires prêtes à «trahir». Les cartes d'accès et autres cartes à puces nous pistent. Le photocopieur en sait beaucoup sur le voisin de bureau. Un grille-pain muni d'une puce et branché sur l'internet pourrait en révéler de bien bonnes sur vous! «Les miettes de pain électroniques que chacun laisse derrière lui peuvent permettre, des années plus tard, de reconstituer ses faits et gestes», dit justement Robert Vamosi, auteur de (nous traduisons) Quand les gadgets nous trahissent.

Malgré tout, les portables demeurent les machines les plus brillantes et bavardes, du fait aussi de leur quantité et de leur mise en réseau.

Or, «non seulement il y aura 7 milliards d'appareils mobiles dans le monde en 2015, mais ils seront de plus en plus difficiles à distinguer du cerveau humain», dit le journaliste et auteur Andrew Keen, qui publiera en juin Digital Vertigo (Le vertige numérique). Le rythme de propagation de ces appareils est tel que, bientôt, «il faudra produire plus de gens!» ironise Eric Schmidt, président exécutif de Google (Android).

Il s'exprimait lors du Mobile World Congress 2012 qui se termine, aujourd'hui, à Barcelone.

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Selon le niveau de paranoïa qui l'habite, chacun s'inquiétera ou pas de la frankensteinisation (selon Keen) de nos créatures informatiques. L'optimiste, lui, jugera que les services rendus par les portables ont une valeur très supérieure aux risques qu'ils présentent.

Nous en sommes esclaves?

Oui. Mais il y a longtemps que nous sommes esclaves de la roue, de l'électricité, de l'excavatrice et du... grille-pain. Dans tous les cas, il s'agit d'extensions de nous-mêmes; de nos muscles, de nos sens, de notre système nerveux, enfin de notre cerveau, ce qu'avait compris Marshall McLuhan il y a un demi-siècle. À ce jour, ces divers «maîtres» nous ont bien servis.

Ces monstres nous espionnent?

Ils en sont capables, en effet. Mais nous le savons - ou devrions le savoir. Il faut juste apprendre comment ils fonctionnent. User des précautions nécessaires. Et se rappeler que tous ces engins sont munis d'un bouton off sur lequel on peut appuyer.